Alors que la saison de l’émergence des crocus, jonquilles et autres clochettes se termine, nous assistons à une autre efflorescence au sein du Conseil communal de la ville de Bruxelles : la distribution des su-sucres (lisez subsides) aux centaines d’asbl présentes sur le territoire de la commune. 

Un système qui coûte des millions, soutient sans doute quelques initiatives sympathiques, voire efficaces, mais se noie dans le poto-poto des copains, l’assurance d’un vivier de voix électorales et les petits arrangements « hors budget ».

Le Conseil communal de ce lundi 27 mai en sera d’ailleurs emblématique : avec plus de 200 subsides à voter (sportifs, culturels, ...), ce sont quelques centaines de milliers d’euro qui viendront encore écraser les finances de la capitale-monde du pays merveilleux de Philippe Close. Un reproche d’autant plus facile à faire qu’en première partie de conseil, le bourgmestre se sera démonté le col à défendre son habituel bonus comptable (budget ordinaire) tout en essayant de faire oublier les pertes abyssales de son budget... extraordinaire. Nous en reparlerons.

Comme l’eau de roche

« La transparence, camarade », c’est le premier cri de la majorité écolo-progressiste (et d’ailleurs de tous les partis si l’on veut bien se donner la peine de creuser) si d’aventure l’un ou l’autre inconscient venait à questionner les choix de ces asbl et les montants attribués à chacune d’entre elles.

Le premier échevin des sports, Benoît Hellings aka Triste Sire, se fend à chaque fois de rappeler un système de grilles et de points d’évaluation destiné à rendre plus lisible et objective la distribution des montants à ces entités sous perfusion.

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De son côté, le bourgmestre Close rappelle à qui veut l’entendre que toutes ces asbl sont listées sur le site de la Ville de Bruxelles, avec toutes les informations voulues : montant du subside, objet... Que veut le peuple ?

Google ne suffit pas

Déjà, en cherchant beaucoup, le peuple éclairé trouvera (peut-être) un fichier PDF reprenant 105 pages (sic) listant un bon millier (resic) d’organismes subsidiés par Bruxelles-ville... en 2021. Pour les autres années, la recherche s’avère plus délicate. Admettons cependant que ce fichier existe et soit mis à jour chaque année et acceptons le fait que nous ayons mal cherché (hem...), il demeure 2 arguments qui font de cette transparence factice un canular budgétaire annuel.

Le premier se situe dans l’impossibilité matérielle de pouvoir consulter les états financiers de ces asbl : il n’est en effet pas obligatoire de déposer des comptes comme se devrait de le faire n’importe quelle autre entreprise, la forme de l’asbl ne l’imposant pas. Et si d’aventure, des chiffres étaient déposés, ils le seraient au secrétariat de la ville et consultables... uniquement par les élus. De mémoire, nous n’avons jamais vu un seul élu se précipiter au secrétariat pour demander sa copie.

A l’infini

En seconde analyse, n’oublions pas que la ville n’est pas seule à distribuer vos deniers : le CPAS, par exemple, peut lui-aussi accorder des subsides à de nombreuses autres asbl. Plusieurs échevins contrôlent également leurs propres domaines de subsidiation : commerce, enseignement, sport, social... Enfin, observons une certaine torpeur systémique dans le dépôt éventuel de comptes qui peuvent parfois mettre plusieurs années à parvenir aux autorités ainsi qu’un certain flou dans le calendrier des attributions financières : avant l’événement subsidié, bien avant, bien après, rétroactivement... Secouez le tout et vous ne pouvez plus vraiment brandir l’argument de la transparence démocratique. Quand le subside est voté, tout le monde a oublié pourquoi. Ou presque.

Paraphrases idéologiques d’une ville désargentée

Au menu du 27 mai, quelques exemples pris au hasard : l’asbl « L’architecture qui dégenre », à qui l’on doit les journées du matrimoine, se voit attribuer 3.700 €, une obole par rapport à certaines autres structures, certes, mais pourquoi ce choix pour organiser des visites guidées féministes ? A Saint-Gilles de surcroît ? N’est-on pas à Bruxelles... Tout comme le fait d’offrir 1.000 € à l’asbl Fédération des association portugaises de Belgique pour la fête nationale au Bois de la Cambre. En soutien de l’achat de charbon de bois ? Pourquoi encore offrir 28.000 € à l’entreprise Brussels Beer Project pour l’organisation d’un « festival » alors que, selon son dernier bilan, cette société de 32 personnes au capital de 4 millions € détenait 1,4 million € sur ses comptes en banque à fin août 2023 ? Pourquoi enfin faire intervenir Beliris à hauteur de 45.000 € pour une « œuvre d’art décidée, commandée et prépayée » par Bruxelles-Ville pour... les 30 ans de Beliris ? Chouette cadeau que celui que l’on se voit facturer.

Courage en poudre

Ce saupoudrage d’argent public, critique maintes fois répétées à l’adresse des francophones (entendez «socialistes») de Wallonie, ne propose ni queue ni tête et privilégie le plus souvent l’organisation de buvettes conviviales et de happenings « intégratifs à l’attention de publics diversifiés » plutôt que de structurer la cité afin qu’elle puisse accueillir les initiatives de toutes et tous. Au lieu de récompenser, année après année, les bons petits soldats des boutiquiers de la particratie.

Un projet de remise à plat parfaitement absent des élucubrations de la campagne électorale actuelle. Comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement : les affamés du pouvoir ne gagneront effectivement aucune voix à expliquer à leurs trop nombreux obligés que, dans une sorte de réveil citoyen de bonne gestion publique, ces subsides pourraient un jour être analysés, objectivés... et, pourquoi pas, remis en question.