S’il n’a pas inventé ce mode de gouvernance - les écologistes et leurs suppôts d’autres partis ne s’en privent pas depuis belle lurette -, l’actuel président de la République française fut le premier à le formuler sans ambages lorsqu’il déclara le 4 janvier 2022 : « Eh bien, là, les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder. Et donc, on va continuer de le faire, jusqu’au bout. C’est ça, la stratégie. »
Dans Le pouvoir contre les libertés, un ouvrage collectif sous la direction de Marie-Caroline Arreto et Thibault Desmoulins réunissant les contributions de huit spécialistes en droit constitutionnel et en institutions politiques, Cyrille Dounot, qui est professeur d’histoire du droit à l’Université Toulouse I Capitole, voit dans la déclaration du Président l’expression du caractère monarchique de sa fonction, d’un pouvoir tout-puissant sans contre-pouvoir, les autres autorités établies s’étant reniées et ayant failli dans l’exercice de leurs prérogatives. « Le pouvoir exécutif lui-même, au mépris des principes qui le régissent, écrit-il, a attisé la peur, et la division, le tout en bridant les libertés publiques. »
Le moment paroxystique de la démission des autres autorités consista en l’aveu public et effronté du Président de son envie d’emmerder une bonne partie de ses concitoyens. De reniements en censures, faudrait-il s’étonner que les citoyens perdent confiance dans leur régime politique, le gouvernement étant le premier à souffrir d’un sentiment de méfiance et de lassitude du côté des gouvernés. La plus grande démission morale du pouvoir réside dans le fait d’attiser la peur pour obtenir l’assentiment, la peur du réchauffement climatique, la peur d’une guerre atomique, la peur du virus du Covid (« [ne rien faire] d’ici quelques mois c’est au moins 400 000 morts supplémentaires à déplorer », dans l’allocution présidentielle du 20 octobre 2020).
Le comble de la « forfaiture » (le mot est de Cyrille Dounot) fut atteint lorsque le pouvoir exécutif exposa à la vindicte publique un groupe important de citoyens raillés comme « antivax » et accusés de répandre le virus, soumis à l’opprobre par le président de la République lui-même quand dans le Parisien du 4 janvier 2022 il en dénonça « l’immense faute morale » et les fustigea en ces termes : « Quand ma liberté vient menacer celle des autres, je deviens un irresponsable. Un irresponsable n’est plus un citoyen. » Le lendemain, rejetant sur les non-vaccinés la responsabilité de l’épidémie, le premier ministre de l’époque renchérit : « Qui outrage la Nation ? Qui fracture la Nation ? » et à ces questions rhétoriques le porte-parole du gouvernement, un certain Gabriel Attal, qui revendiqua de « rendre la vie impossible aux non-vaccinés », en ajouta une autre : « Qui emmerde la vie de qui aujourd’hui ? [...] Ce sont ceux qui s’opposent au vaccin. »
Tout cela, que l’on en juge, vola haut et fut accompagné d’un déluge de mensonges et d’affabulations et soutenu par une propagande étatique avec des slogans (faux) comme « on peut débattre de tout, sauf des chiffres » ou
« tous vaccinés, tous protégés », le président de la République s’affichant d’emblée comme chef de guerre lorsqu’il répéta à six reprises « nous sommes en guerre » dans son discours du 6 mars 2020. Ce n’est pas anodin car le Président fit usage répété du Conseil de défense à des fins non militaires : Cyrille Dounot y voit la marque d’un « retournement constitutionnel opéré par un vaste détournement d’institutions ». « L’emploi par le Président de ce Conseil, écrit-il, illustre parfaitement le fait du Prince. »
« L’exécutif méprise à tel point l’Etat de droit qu’il ne prend même plus la peine de faire semblant »,
conclut ce spécialiste de l’histoire du droit qui donne de multiples exemples. Nous y reviendrons.