Si vous aviez cru comprendre que c’était l’ancien colonisateur belge le pire ennemi du Congo, vous étiez loin de la vérité, quoi que certains colonisateurs étrangers et non des moindres aient prétendu, sans doute pour jeter un voile sur leurs propres méfaits. « Le Congolais, pire ennemi du Congo », ce n’est d’ailleurs pas l’auteur de cette chronique qui se serait permis de l’affirmer, mais un Congolais qui le dit, Jean-Pierre Nzeza Kabu Zex-Kongo, docteur en géographie et pratique du développement de l’université Paris 1-Panthéon Sorbonne, professeur à l’université de Kinshasa et l’auteur du livre portant ce titre.
Comment expliquer la réussite des Belges (1885-1960) et l’échec des Congolais (1960 à ce jour) dans le développement du Congo, c’est à dire à assurer la prospérité du plus grand nombre ? C’est en ces termes que le professeur Nzeza porte un regard sévère sur l’histoire de son pays. Administrés par les Belges, les Congolais ont transformé la friche congolaise de 1885 en un pays non seulement prospère, mais le plus prospère d’Afrique à la date de son indépendance, le 30 juin 1960. Alors qu’avec ses 2,3 millions de km² le Congo représente environ 80 fois la superficie de la Belgique, celle-ci a incontestablement apporté une plus-value considérable à sa colonie.
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Les Belges y sont arrivés, explique Jean-Pierre Nzeza, en reconnaissant la nécessité d’une structure administrative capable d’en assurer le fonctionnement et de maintenir l’ordre et la sécurité des gens et des biens afin de garantir la bonne fin des investissements ainsi que le besoin de cadres et d’une main d’oeuvre locale qualifiée et enfin de transports rapides et sûrs. Le Congo, rapporte-t-il, hérite à son indépendance d’un réseau routier de 195.213 km, d’un réseau ferroviaire de 5.241 km, de voies navigables de 14.597 km, de trois aéroports internationaux et quelques aérodromes secondaires. La Belgique laisse aux Congolais un pays émergent, industrialisé, se classant parmi les premiers pays mondiaux pour nombre de matières premières et de produits agricoles.
Il est très difficile, regrette le professeur Nzeza, de parler du passé colonial aux Congolais nés après l’indépendance, c’est à dire la très grande majorité de la population, car tout a été détruit pendant quatre épisodes agités de l’histoire congolaise : les sécessions (1960-1963), les rébellions (1964-1965), la décolonisation culturelle (le retour à l’authenticité décrété par Mobutu en 1971) et, enfin, la décolonisation économique (la « zaïrianisation » et la radicalisation, la nationalisation des biens détenus par des étrangers décrétée par le même en 1973 et 1974). Tout l’héritage économique belge, insiste l’auteur, a été détruit.
Au vu de la réussite belge dans le développement du Congo et de la prospérité qu’elle a apportée à sa population, il faut bien admettre « l’échec de l’administration du Congo par les Congolais de 1960 à ce jour », écrit le professeur Nzeza qui en fait le titre de la deuxième partie de son livre. Il rappelle l’équation Développement = Structure (Constitution) x Travail des hommes (compétences, dynamisme, volonté) x Capitaux (investissements). Sur ces différents plans, évalue-t-il, le Congo a failli et, en premier, à se doter d’une constitution adéquate. Il qualifie celle de 2006 toujours en vigueur de « monstre institutionnel » qu’il est impossible à un personnel politique congolais « sans aucune conscience nationale, inexpérimenté et à l’instruction sommaire » de faire fonctionner.
Qui fait quoi à ce sujet ? Personne. Rien. Au Congo, on fait la politique pour s’enrichir très vite et non pour développer le Congo, constate-t-il. C’est ainsi qu’il justifie le titre du livre. Entretemps, on massacre. En sont notamment responsables les incursions de dizaines de groupes armés téléguidés à partir de l’étranger (Rwanda, Ouganda). Le Congo est incapable de protéger ses habitants, ni leurs biens, ni ses propres frontières, dans indifférence des « grands » de ce monde, accuse-t-il. Il renvoie à ce propos au titre du film réalisé en 2021 par le Belge Thierry Michel : « L’empire du silence ».