Le projet de Charles Gave dans La vérité vous rendra libre ne se borne pas à rappeler que « l’Etat, c’est la grande fiction par laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde » (citation de l’économiste libéral français Frédéric Bastiat, 1801-1850). 

Il est de présenter une vision « revue et corrigée » de l’histoire des quarante dernières années et, déjà, au vu des circonstances, de nous avertir, nous les Européens, que le reste du monde va « cesser de nous entretenir grassement à ne rien faire » et de s’inquiéter, à juste titre, de ce que les grands sachants, en proie à leur obsession du pouvoir et aux délires idéologiques, qui ont eu tort sur tout, cherchent de surcroît à nous priver de la liberté de parole.

Reconnaissons avec lui, qui n’est pourtant pas américanophile, que les Etats-Unis, que ce soit sur le plan énergétique et militaire (sur lequel ils se suffisent à eux-mêmes) ou de la liberté d’opinion et de parole (proclamée dans le Premier amendement de leur Constitution), sont bien mieux placés qu’une Union européenne sous l’emprise de ses démons et de l’idéologie. Souvenons-nous toutefois que nos droits individuels sont attachés à notre personne et en principe inaliénables, si ce n’est, bien sûr, que l’Etat, qui dispose du privilège de la violence légale, peut bafouer cet enseignement de la civilisation chrétienne. Est-ce là la raison du refus de rappeler les racines chrétiennes de notre civilisation dans le Préambule de la Constitution européenne ? C’en est à se demander.

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« NOUS SOMMES EN GUERRE »

Car, si nous sommes en guerre - selon l’expression de l’actuel président de la République française -, c’est bien contre ceux qui cherchent à contrôler la parole publique. Mme von der Leyen elle-même n’a-t-elle pas dévoilé les intentions de l’UE dans ce domaine au Sommet de la démocratie de Copenhague en mai dernier ? « Au fur et à mesure que la technologie évolue, a-t-elle dit, nous devons renforcer l’immunité de la société face à la manipulation de l’information. La recherche a démontré que prévenir [le pre-bunking en jargon européen, NDLR] est plus efficace que guérir [le debunking]. Pensez à la manipulation de l’information comme à un virus. Il vaut mieux vacciner afin de prévenir l’infection. » C’était dans le 1984 d’Orwell le privilège du ministère de la Vérité. Et, comme chacun sait, en vérité, Mme von der Leyen s’y connaît en vaccins.

Deux révolutions ont eu lieu dans l’Occident chrétien à la fin du XVIIIe s., écrit Gave, la première aux Etats-Unis ne constituait en rien une rupture avec le christianisme ; la seconde, en France, est en rupture totale avec ce dernier. Les révolutionnaires français pensent avec Rousseau que l’homme est corrompu par la société. Leur projet est de créer les structures qui permettent à l’homme nouveau d’éclore. En cela, dit Gave, « la Révolution française a été la matrice de tous les totalitarismes ». Les acteurs changent, l’objectif de ceux qui veulent le bien de tous à commencer, surtout, par le leur, reste le même : faire taire ceux qui ne sont pas d’accord. Dictature,
il y aura et elle sera totalitaire, obligeant les gens à tous penser de la même façon, d’où la tentation de juguler l’Internet. C’est l’objet du Digital Services Act (DSA), le règlement européen sur les services numériques, adopté le 19 octobre 2022 et visant, selon la Commission, à lutter contre la propagation de contenus illicites en ligne.

Fragiles Européens, jugés incapables de s’en prémunir ! Et, apparemment, d’une manière générale,  de prendre soin d’eux-mêmes. Or, comme Samuel Huntington (1927-2008) le fait observer dans Le Choc des civilisations (1996), s’il est un aspect qui différencie la civilisation occidentale de toutes les autres, c’est l’individualisme. Hélas, notre époque est marquée, constate Gave, par un retour à une forme de primauté du groupe sur l’individu et de morale collective. « Etre immoral aujourd’hui, écrit-il, c’est refuser de croire que la classe dirigeante sait mieux que moi ce qui est bon pour moi. » Dire non, c’est contredire « la science » et « les plus grands spécialistes de la question »,
la majorité des béni-oui-oui de toutes les chapelles, et, surtout, cela vaut d’être mis au ban de la société (« empêché, interdit, ridiculisé, exclu »).

Compter sur la classe au pouvoir pour s’en sortir est un non-sens. Comment ceux qui ont créé un problème y trouveraient-ils une solution qui ne soit pas d’en rajouter ? Nous nous en sortirons, conclut Gave, avant de rappeler comment sur une petite presqu’île de l’Asie nous avons créé la première civilisation universelle, « lorsque chacun d’entre nous réussira à nouveau à penser par lui-même et qu’il pourra appliquer cette réflexion dans le domaine politique. »

https://lepalingenesiste.substack.com

La vérité vous rendra libre, L’histoire des quarante dernières années revue et corrigée par Charles Gave,  230 pages, Idées en liberté, Editions Pierre de Taillac.