Le 28 juin, le Conseil européen a décidé de remplacer son président actuel — le MR Charles Michel — par l’ancien Premier ministre portugais Antonio Costa. 

Ce socialiste allie les valeurs traditionnelles de la social-démocratie à une approche orthodoxe de l’économie. De 2015 à 2022, il a mené une politique de gauche modérée et a contribué au redressement économique du pays. Bien qu’il ait été nommé dans un contexte de scandale de corruption qui a conduit à sa démission, ses qualités de pragmatique et sa capacité à mener des négociations difficiles, dont il a probablement fait preuve lors des discussions à huis clos au sein du Conseil, ont prévalu. Ces qualités manquaient-elles au Belge pour qu’il soit prolongé à ce poste ? 

L’autre nomination est celle de Kaja Kallas en tant que Haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Libérale de centre droit, elle a été eurodéputée de 2014 à 2019 et est Premier ministre d’Estonie depuis 2021. Kaja Kallas, fille de Siim Kallas, ancien commissaire européen aux transports, est connue pour prendre une position ferme et critique à l’égard de la Russie. Dans le contexte de la guerre en Ukraine, elle a été choisie pour représenter une voix forte sur les questions de politique étrangère et de sécurité. Le Conseil européen l’a également choisie parce qu’elle est membre de Renew, le groupe parlementaire hybride de libéraux et de centristes dans lequel siègent les eurodéputés macronistes.

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L’énigme von der Leyen  

Ces deux nominations sont acquises, puisqu’elles dépendent exclusivement du Conseil européen. En revanche, la nomination d’Ursula von der Leyen pour un nouveau mandat de présidente de la Commission doit encore être confirmée par le Parlement européen, comme l’exige l’article 17, paragraphe 7, du traité de Lisbonne. Lors de son élection en 2019, l’Allemande avait été élue par seulement 16 voix de différence. C’était avant le désastre qu’elle a créé avec son activisme vert et l’effondrement de l’économie de l’UE, qui est à la traîne par rapport aux autres pays de l’OCDE et des BRICS. 

Qu’en sera-t-il cette fois-ci ? Beaucoup se demandent comment elle a pu être représentée malgré la mauvaise image qu’elle a contribué à donner de la Commission. Il est vrai que son parti, le PPE, a augmenté son poids à Strasbourg, passant de 176 à 184 députés. Ce sont les bons résultats du PPE en Allemagne et en Espagne qui ont renforcé ce parti, qui ont retrouvé leur position historique, perdue en 2019 au profit des socialistes. 

Le chancelier Olaf Scholz, pourtant socialiste, ne pouvait pas s’opposer à une compatriote qui a tant fait pour que son pays impose l’EnergieWende à l’ensemble de l’UE, et il peut compter sur elle pour poursuivre ce méfait. L’Allemagne va mal à cause de sa politique écologiste. J’écris depuis longtemps qu’elle veut être le leader de l’Union écologiste, mais si elle échoue pour ne pas être pénalisée, elle n’hésitera pas à entraîner dans sa perte les 26 autres. La réélection de von der Leyen contribue à cette stratégie.

L’autre partisan est le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez, qui entretient d’excellentes relations personnelles avec le président de la Commission, malgré son appartenance à des familles politiques différentes, car tous deux défendent le Pacte Vert. D’ailleurs, sa ministre de la Transition écologique, Teresa Ribera, est une candidate potentielle au poste de commissaire. Cette passionaria de l’écologie sera au moins aussi extrême que Frans Timmermans pour imposer sans scrupule le Pacte Vert. C’est elle qui a mis un terme au projet d’interconnexion gazière entre la péninsule ibérique et le reste de l’UE. Elle déteste tellement le gaz naturel — ou plutôt, elle aime tellement les énergies renouvelables — qu’elle a réussi à tuer le projet prioritaire MIDCAT, qui aurait permis au gaz algérien d’atteindre la France.
Si, par malheur, le soutien de Sanchez à la reconduction de von der Leyen garantit que Ribera dirigera la politique écologiste européenne, nous sommes partis pour cinq années supplémentaires de destruction de notre compétitivité.

Bien entendu, Emmanuel Macron était derrière tout cela, bien qu’il ait été humilié dans son pays. Si la réunion du Conseil européen qui a distribué les postes avait pris dans quelques semaines, à la place de Mark Rutte il y aurait eu le nouveau Premier ministre néerlandais Dick Schoof, à la place d’Alexander De Croo probablement Bart Dewever et Emmanuel Macron aurait peut-être été accompagné de Jordan Bardella. Ces trois représentants de la droite auraient peut-être pu s’opposer aux écologistes centristes. 

La revanche de Giorgia Meloni et Viktor Orban ?

Ces nominations ont intrigué les trois partis qui dirigeaient le parlement avant les élections du 9 juin. Depuis, le parti conservateur ECR est devenu le troisième parti, au détriment du parti Renew. La Présidente du conseil italien a déclaré que cette nomination était une erreur formelle, l’Italie n’étant pas impliquée dans le marchandage. Il s’agit également d’une erreur de fond, car l’ECR aurait dû obtenir l’un des trois postes, puisqu’il est plus important que Renew (83 contre 75). Cette victoire au premier tour va exacerber le mécontentement, et Mme von der Leyen pourrait ne pas obtenir la majorité simple lors du vote au Parlement européen le 18 juillet si suffisamment d’Allemands de la CDU-CSU manifestent leur désapprobation face au désastre économique de l’industrie allemande et au prix élevé de leur électricité, conséquence de sa politique. D’ailleurs, pour s’assurer que les Verts votent massivement pour Mme von der Leyen, Olaf Scholz réclame même que les écologistes de Strasbourg rejoignent la majorité.

Le Premier ministre hongrois a également exprimé ouvertement son mécontentement. Le 30 juin, Viktor Orban a annoncé son intention de former un nouveau groupe parlementaire appelé « Patriotes pour l’Europe ». Il serait composé de son parti Fidesz, du parti autrichien d’extrême droite FPÖ et du mouvement « centriste » ANO de l’ancien Premier ministre tchèque Andrej Babis. Pour être reconnue comme groupe, cette nouvelle alliance doit encore attirer des délégations de quatre autres pays, ce qui semble peu probable. Cette initiative fragmente encore un peu plus l’extrême droite européenne et fait le bonheur de ceux qui se sont réparti les postes clés.

Mais beaucoup de choses peuvent changer d’ici au 18 juillet… à commencer par la France.