Avec la chute inattendue du président Assad en Syrie, le Printemps arabe, qui a débuté en 2010, semble toucher à sa fin, laissant dans son sillage des pays meurtris par les conflits et les divisions. La Syrie se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins, confrontée au défi de reconstruire un État stable et unifié ou de risquer une fragmentation sous l’influence de diverses factions, dont certaines islamistes.

La fin du Printemps arabe et les défis de la transition

Les expériences irakienne et libyenne ont démontré les dangers d’une transition chaotique et mal gérée. Après la chute de Saddam Hussein et de Mouammar Kadhafi, ces deux pays ont sombré dans une spirale de violence sectaire et d’insurrections, favorisant l’émergence de groupes extrémistes comme l’État islamique. Après 50 ans de dictature baasiste sanguinaire, marquée par des horreurs et des tortures, suivis de plus de 13 ans de conflit meurtrier, la Syrie pourra-t-elle se reconstruire sur des bases solides ? Le défi sera de tirer les leçons des erreurs passées sans céder aux influences des puissances étrangères poursuivant leurs propres agendas.

La communauté internationale devrait veiller à soutenir le processus de transition, profitant de la perte d’influence significative de la République islamique d’Iran. Le Moyen-Orient connaît une recomposition majeure, conséquence de plusieurs événements récents : le pogrom du 7 octobre, l’erreur stratégique du Hezbollah qui a suivi aveuglément les directives iraniennes en s’attaquant à Israël, la fuite du dictateur de Damas, et l’intervention imminente d’Israël contre les capacités de nuisance des Houthis. Israël a réussi en 14 mois à contrecarrer le projet des Mollahs vieux de 45 ans, et Benyamin Netanyahu semble en passe de concrétiser sa promesse du 7 octobre : «Nous allons créer un nouveau Moyen-Orient». Cependant, la Russie, la Turquie et les pays sunnites du Golfe ne sont pas prêts à abandonner leur influence en Syrie.

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Des acteurs aux intérêts divergents

Si la libération de la Syrie de l’influence iranienne est bienvenue, le pire scénario serait que le pays tombe sous le contrôle de militants islamistes hostiles à l’Occident. Mohamed al-Joulani, le chef du groupe Hayat Tahrir al-Cham (anciennement Front al-Nosra), prétend avoir changé et n’être désormais intéressé que par l’avenir de la Syrie. Cependant, il applique déjà la charia et la dhimmitude dans son fief d’Idlib !

Al-Joulani est présenté comme le principal artisan du renversement du régime de Bachar al-Assad, mais il ne faut pas négliger l’importance d’autres forces en présence. L’Armée syrienne libre (ASL), issue d’une défection de l’armée régulière syrienne au début du soulèvement en 2011, est devenue la principale force rebelle non islamiste et a également joué un rôle crucial dans ce renversement. Ces mouvements, bien qu’hétérogènes, partageaient un objectif commun : mettre fin au régime dictatorial de la famille Assad.

À l’est de l’Euphrate, les forces kurdes ont réussi à prendre le contrôle d’un tiers du territoire syrien, établissant une zone semi-autonome. Cependant, cette avancée kurde soulève de vives inquiétudes chez la Turquie voisine. Ce pays abritant la plus grande population kurde au monde, estimée à environ 15 millions de personnes, le président turc Recep Tayyip Erdogan redoute que l’établissement d’une entité kurde autonome en Syrie n’attise les velléités séparatistes des Kurdes de Turquie. Ankara souhaite donc créer une « zone tampon » large d’environ 30 km le long des 460 km de sa frontière avec la Syrie, afin d’éviter que les Kurdes syriens n’encouragent ceux de Turquie.

Cependant, ces Kurdes syriens, regroupés au sein des Forces démocratiques syriennes (FDS), n’ont pas l’intention de se laisser faire. Après avoir combattu avec acharnement l’État islamique, ils considèrent leur zone comme un acquis inaliénable. Les FDS bénéficient du soutien de la coalition internationale menée par les États-Unis, qui les considèrent comme un allié clé dans la lutte contre les groupes djihadistes.

Deux autres acteurs importants sont à prendre en compte : les Druzes et les alaouites. Les Druzes, présents en Syrie, au Liban et en Israël, tiennent à leur autonomie, professant une religion monothéiste absolue, mais ésotérique issue de l’ismaélisme. Quant aux alaouites, la communauté des Assad, ils sont une branche de l’islam chiite solidement implantée et donc généralement pro-iraniens. 

La fédéralisation : une solution pour l’avenir ?

Face à cette mosaïque complexe, la solution d’une fédéralisation du pays est une voie à explorer. En reconnaissant l’autonomie des différentes régions et en garantissant une représentation équitable de toutes les communautés, une Syrie fédérale pourrait contribuer à apaiser les tensions. Elle serait de nature à protéger « les chrétiens d’Orient », qui ont été instrumentalisés par Assad non pas par respect, mais pour tromper l’Occident en se faisant passer pour un démocrate.

Cependant, la mise en place d’un système fédéral ne sera pas une tâche aisée. Il faudra surmonter la méfiance réciproque entre les différents groupes, les revendications territoriales concurrentes et les ingérences étrangères. La Turquie, qui s’oppose aux Kurdes, va probablement s’y opposer. Les sunnites, qui sont majoritaires — et pas seulement al-Joulani — risquent également de s’y opposer. Les alaouites accepteront-ils de rester cantonnés dans leur fief, coupés des réalités économiques qui se trouvent ailleurs dans le pays, notamment dans la zone kurde ?

Après la chute de la dictature, la Syrie deviendra-t-elle démocratique ou appliquera-t-elle la charia ? Bien que le chemin soit semé d’embûches, la fédéralisation reste une option crédible pour éviter cette dernière et jeter les bases d’une Syrie réconciliée, enfin prospère, avec elle-même et avec ses voisins, dont Israël.