Le nouveau conseil communal de la ville de Bruxelles est un chassé-croisé étourdissant entre tendances fortement antagonistes d’où le bourgmestre Close surnage quand il n’arrive plus à surfer. Ne manquait que la bombinette du PTB  dévoilant les noirs desseins d’une hypothétique Rambla bruxelloise pour tendre un peu plus l’assemblée. Et c’est parti pour 6 ans, caramba !

Le premier conseil communal de l’année vient de confirmer les options rigolotes de la nouvelle majorité. Sur le papier, PS-Vooruit, MR+ et Les Engagés-CD&V adhèrent au front commun dans l’harmonie. Dans la réalité, les écolos évincés questionnent chaque décision tandis que les conseillers du MR n’hésitent pas à bombarder d’interrogations leurs « alliés » de Vooruit ou des Engagés. Même Coomans de Brachène (MR+) ne semble pas avoir encore intégré qu’il n’est plus sur les bancs de l’opposition. 

Baptême du feu pour le lunettier Wauters

Bruno Bauwens (PTB) démarre l’exercice sans prendre de gants avec le nouvel échevin des affaires économiques et du commerce :« Monsieur Wauters (Les Engagés-CD&V), vous voilà donc nommé responsable de l’accompagnement de la destruction du quartier Stalingrad... Je ne vous félicite pas. On ne vous a pas beaucoup entendu pendant la législature précédente. Mais bon. On a lu le pacte que vous soumettez ici et qui dit que la 2e phase du chantier aura un « impact limité » sur le quartier alors que le quartier est déjà détruit sans oublier le futur démantèlement du Palais du Midi. On peut difficilement parler d’impact limité. »

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Métro-Carrosse ou Tram-Citrouille ?

Selon le PTB, ce nouveau pacte est tout aussi optimiste quant au planning :
« vous partez de l’idée que le tunnel demandera 1 an de construction alors que la SNCB et ses spécialistes parlent de 3 ans, ce qui nous fait plutôt atterrir en septembre 2033. Un chantier qui va durer encore près de 8 ans pour quelque chose d’incertain puisque je lis que l’on parle maintenant de  tram et plus de métro... »

Plus inquiétant, pour le communiste, la notion de « branding du quartier ». 
Selon Bauwens, la majorité profiterait de  ce fameux dossier du Métro 3  pour lancer un vaste rebranding de la zone. Pour être acerbe, la critique n’en est pas moins dénuée de sens. « Vous êtes en train de détruire le quartier pour transformer cette zone en rambla, de la gare du Midi vers le centre. Et c’est pour cette raison que cette majorité PS-MR-Engagés a été si facile à réaliser dès lors que vous êtes d’accord de réaliser une ville touristique comme Barcelone, une ville qui n’appartient plus à ses habitants mais à ceux qui viennent y consommer. »

Le vieux rêve touristique de Close

A la base de la démonstration de Bauwens, un détail, le fait que les commerçants en général et plus particulièrement les entreprises situées dans le Palais du Midi ne sont pas visés par la nouvelle convention de soutien. Notamment sur la possibilité de revenir une fois les travaux achevés. Une hypothèse à 10 ans, voire plus, qui, il ne faut pas être communiste pour ne pas le comprendre, séduit peu des gens qui auront, de toute évidence, établi leurs affaires ailleurs.

En réponse, l’échevin Wauters joue la carte de l’ancien camarade d’opposition :
« Le précédent pacte a été voté lorsque nous étions assis à vos côtés. Il s’agit d’un second pacte qui implique un panel le plus large possible de gens qui ont l’expertise de terrain, associés aux spécialistes de l’économie bruxelloise et Bruxelles-propreté. »

Branding ou requalification

Et de poursuivre : « L’implication de ce chantier est énorme, il faudrait être aveugle pour ne pas le reconnaître. Les contacts avec les habitants et les commerçants, je n’ai pas attendu de devenir échevin pour les initier : je les ai depuis des années. Notre objectif n’est pas d’empêcher l’impact mais de le limiter. Maintenir l’activité économique, le bien-être, l’information pour les commerçants et les riverains. Et le rebranding dont vous parlez, je préfère en parler comme une requalification de l’espace public, chose qui doit se faire dans le cadre de ce chantier mais aussi dans toutes les déclinaisons des noyaux commerciaux de Bruxelles. Ce que vous expliquez n’a aucun sens, n’en a jamais eu hier et n’en aura pas plus demain. » 

Pas de ramblas alors ? Pourtant, toutes les études et sondages le démontrent, l’image de Bruxelles à la sortie de la gare du Midi est catastrophique. Profiter de la zone de guerre développée par le chantier du Métro pour recréer un espace agréable entre la gare et la Grand-Place aurait du sens. Et même, pour certains, l’avantage de déloger les habitants historiques du quartier, souvent défini comme le « quartier marocain » de la  ville. Comme le dit Bauwens, « ce sont eux qui ont creusé le métro. On devrait avoir l’ambition de maintenir quelque chose pour ceux qui ont construit cette ville. Ici, on enlève une partie du cœur de quartier pour en faire une ville événementielle. Il n’y a aucune garantie. Je reste hyper inquiet et les commerçants, que je vois autant que vous, me disent exactement la même chose. »

Demandez à la région

Wauters rétorque indemnités entre 8.000 et 20.000 €, périmètre évolutif, habitants qui seront entendus, commerçants indemnisés mais tout cela laisse une impression de flou artistique : pas vraiment de planning, pas de réponse sur les destructions à venir et un « pacte » à géométrie variable qui semble plus étudié pour donner un petit coup de pouce à ceux qui voudraient quitter définitivement le quartier.  Et quant à savoir qui du métro ou du tram l’emportera, Wauters renvoie la question à la région.

On notera simplement que si Stalingrad accouche d’un simple tram, une option initiale presqu’indolore en comparaison, il sera difficile de voir dans ce chantier monstrueux autre chose qu’une opération de gentrification à grande échelle.

Foster Laffont