Le chien incarne la loyauté, un exemple pour la magistrature congolaise.

Liégeois et sympathique, mais ça c’est un pléonasme, le nouveau ministre congolais de la Justice a pris ses fonctions, accompagné de son chien. Constant Mutamba est titulaire d’un master en gestion et droit de l’entreprise de l’Université de Liège, sorti auparavant de l’Université Protestante du Congo. Il est jeune, 36 ans, avocat au Barreau de Kinshasa-Gombe, et déjà ancien candidat aux présidentielles, celles de 2023 où il était porteur, cela ne s’invente pas, du n°2. Un présage ? À tout le moins, un bon signe augurant de l’efficacité du gouvernement Judith Suminwa récemment mis en place. Les chiens sont d’excellents auxiliaires auprès de celui qui les respecte et les comprend, et de parfaits compagnons.

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Mutamba succède à Mutombo. Profil atypique, Constant Mutamba a très tôt prôné la probité. Vocation précoce, il avait fondé, à 17 ans, l’Association de Lutte contre la Tricherie alors qu’il était encore au collège catholique du Sacré-Cœur (dit collège Maele) à Tshopo, une institution de valeur bien établie depuis 1939, l’héritage belge. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dans le domaine juridique. Peu de Congolais lisent volontiers des livres ; lui en écrit. En mars dernier, il a lancé un appel au ton volontariste : « pourquoi la Justice congolaise n’arrive-t-elle pas à lancer mandat d’arrêt contre Paul Kagame ou Corneille Nangaa et sa bande ? ». Il est vrai que sa prédécesseure, en dépit d’une tronche de cerbère, n’avait pas l’approche canine du traitement de la Justice. Appel entendu par Judith Suminwa, premier ministre : le voici investi de la fonction idoine. Il ne lui reste plus qu’à lancer les poursuites à l’encontre de ces derniers sans oublier les Congolais qui ont pris les armes en rébellion. Plus généralement, visant le microcosme de la magistrature, le nouveau ministre a sifflé la fin de la récréation ; tout observateur normalement circonspect ne demande qu’à voir. Il y a loin de la coupe aux lèvres, du discours à l’acte. Des emprisonnements de quelques magistrats à Makala constitueraient un début prometteur ; il ne manque pas de corrompus dans le secteur judiciaire.

Dans ce contexte congolais, la présence canine a fait sensation : vidéos et commentaires ont fusé partout. C’est en tenant lui-même son chien en laisse que le ministre a reçu les honneurs de la garde. Les descriptions journalistiques traduisent le choc. Selon ACTU.CD, « un chien visiblement dressé à l’attaque et communément appelé chien méchant ». À lire LA RUPTURE.NEWS, « un béat(sic) chien, un pitbull terrier, le chien le plus méchant de la terre, annonçant la fin des aventures judiciaires en République Démocratique du Congo ». Un pitbull terrier, cela n’existe pas, mais le journaliste a cru en voir un comme d’autres voient des licornes. Affublée d’une muselière, il s’agissait plutôt d’une grosse chienne débonnaire plus proche du labrador que d’un chien de combat, mais elle a fortement marqué les esprits. Au sol, une paire de lunettes tombée des mains de quelqu’un qui a pris la poudre d’escampette. Courir vite… Mémorable épisode de la vie politique congolaise. Excellente idée du nouveau ministre. Grandiloquent, ACTU.CD soutient que « Il a étonné l’humanité lors de la cérémonie de remise et reprise ». L’humanité, probablement pas, mais à Kinshasa, assurément. Voici un chien devenu de facto auxiliaire de Justice au plus haut niveau du ministère éponyme ; honneur et fidélité.

L’asbl belge FONCABA, ONG spécialisée dans le renforcement des capacités de la société civile en Afrique, a très bien décrit l’état de la Justice :
« presque une fatalité pour la population à tel point que les membres des communautés locales sont convaincus que pour avoir droit à la justice et gagner un procès, il faut l’acheter auprès des réseaux des magistrats ou d’hommes influents » ; ajoutant ceci, humour involontaire sans doute, « Le problème n’est pas le manque de textes qui peuvent garantir la justice. Il réside dans les distorsions de l’application de la loi ». Bel euphémisme, des distorsions…