Durant les récentes campagnes pour les élections européennes, fédérales, régionales et communales, on n’a plus entendu les litanies sur le changement climatique. Seuls les médias subventionnés ont tenté de maintenir sous perfusion le dossier, mais les politiciens ont préféré ne pas en parler, car ils savaient que ce n’était plus porteur. La preuve en est que le parti écologiste a été désavoué partout, et que les peurs et solutions qu’il préconisait ont fini par lasser l’électeur. Il en est de même aux États-Unis pour la campagne en cours.

Peut-être vous souvenez-vous lors de l’élection présidentielle précédente des affirmations totalement ridicules de Joe Biden qui annonçait qu’il allait mettre fin à l’ère du pétrole. Il n’en a rien été, bien entendu, car personne ne peut se passer de l’or noir, qui plus que jamais porte fièrement son nom. Biden voulait se débarrasser du pétrole au motif qu’il fallait arrêter les émissions de CO2. Lors de la campagne électorale de 2020, les États-Unis produisaient 16,5 millions de barils de pétrole par jour (Mb/j). En 2023, ce chiffre a atteint 19,4 Mb/j, soit 18 % d’augmentation ! Quant au gaz naturel, tout autant détesté par les écologistes et Joe Biden, les données sont respectivement de 925 et 1 035 milliards de m2, soit 12 % d’augmentation. La force des politiques est que les journalistes ne maîtrisent pas les réalités pour leur montrer à quel point leurs engagements sont extravagants. Dans le domaine du climat, tout est de la même veine.

Cet article est réservé aux abonnés

Lisez votre journal numérique et accédez à tous nos articles réservés aux abonnés.

A PARTIR DE 6€/MOIS

Sans engagement.

Abonnez-vous

Déjà abonné ? Connectez-vous

Le changement climatique en mode « variable »

Le silence remarquable de la vice-présidente Kamala Harris sur le changement climatique lors de l’élection présidentielle en cours n’est pas anodin. Il révèle une transformation profonde dans la perception publique des politiques climatiques, marquant la fin d’une époque où les promesses grandioses suffisaient à convaincre. En tant qu’observateur attentif des dynamiques énergétiques mondiales, je suis particulièrement interpellé par l’évolution de son discours. Elle qui avait fait de la lutte contre le changement climatique l’un de ses chevaux de bataille évite désormais soigneusement ce sujet dans ses interventions publiques. Elle qui avait joué un rôle décisif dans l’adoption de l’Inflation Reduction Act (IRA) en 2022, la plus ambitieuse politique climatique jamais mise en œuvre aux États-Unis, sans gêne défend aujourd’hui la production nationale et affirme qu’elle ne bannira pas la fracturation hydraulique, la technologie inoffensive qui permet de produire le pétrole et le gaz de schiste. Or, lorsqu’elle était candidate démocrate face à Biden, elle avait promis d’y mettre fin.

Ce revirement stratégique s’explique par une réalité électorale implacable :
les Américains, à l’instar de nombreux citoyens de l’UE, découvrent les implications concrètes des politiques climatiques sur leur quotidien.
Les factures énergétiques grimpent, la fiabilité du réseau électrique se dégrade tandis que les émissions mondiales de CO2 ne cessent d’augmenter. Depuis la promesse faite en juin 1992 de les réduire, elles ont augmenté de 64 %. Selon le Wall Street Journal, moins d’un quart de l’électorat soutient une transition rapide vers les énergies renouvelables. Plus surprenant encore, même chez les Démocrates, traditionnellement plus sensibles aux questions environnementales, cette idée ne convainc qu’un tiers des personnes interrogées. Le problème fondamental réside dans le déséquilibre flagrant entre les coûts et les bénéfices des politiques climatiques actuelles. L’IRA en est l’illustration parfaite : initialement estimée à 369 milliards de dollars sur 10 ans, son coût réel pourrait dépasser les 3 000 milliards sur 30 à 40 ans. Et pour quel résultat ? Une réduction dérisoire de 0,02 °C de la température mondiale en 2100. Cette disproportion entre l’investissement et le résultat devient de plus en plus difficile à justifier auprès des électeurs. La réalité incontournable est que les émissions de ce siècle sont principalement générées par les pays en développement. Même dans le scénario le plus radical où les États-Unis atteindraient la neutralité carbone immédiate, au prix d’une destruction économique massive et d’une dégradation significative du niveau de vie, l’impact sur la température mondiale en 2100 ne serait que de 0,2 °C selon les modèles des Nations Unies.

Tel est pris qui croyait prendre

Cette vérité mathématique souligne l’inefficacité fondamentale d’une approche unilatérale du problème climatique. Les politiques climatiques sont devenues un piège pour les politiciens de gauche. Mentionner ces politiques aliène les électeurs modérés, inquiets de leur coût exorbitant. Les jeunes électeurs attachés aux idéaux écologiques semblent tétanisés, car on ne les voit plus envahir nos rues et nos écrans pour réclamer la réduction des émissions de CO2. Cette tension croissante explique le silence embarrassé de nombreux responsables politiques sur ces questions, comme on l’a vu en Belgique, au sein de l’UE et à présent aux États-Unis. 

Les groupes activistes, la grande finance qui manipule ces sommes énormes, et les consultants, qui ont poussé l’administration Biden à engager des milliers de milliards de dollars dans des politiques climatiques, soutiennent aujourd’hui cyniquement le silence de Harris pendant la campagne, craignant qu’un positionnement trop écologique ne fasse fuir les électeurs. Mais si elle gagne l’élection, ils seront les premiers à réclamer des politiques encore plus coûteuses. Les politiques climatiques étaient séduisantes tant qu’elles restaient des promesses lointaines et abstraites. 

Il est temps de dire la vérité : il n’y a pas d’urgence climatique. Le vrai rapport du GIEC, celui de milliers de pages et non pas le résumé politique, l’affirme. Continuer à croire que nous pouvons lutter contre les émissions mondiales de CO2 ne fait que saper notre compétitivité et nous isoler dans le progrès mondial en cours. Aujourd’hui, confrontés à des coûts immédiats et tangibles pour des bénéfices nuls, les électeurs commencent à douter. Le silence de la vice-présidente Harris n’est que le symptôme d’une prise de conscience plus large : il est temps de repenser fondamentalement notre approche de la transition énergétique. Il semble qu’une part importante du nouveau parlement européen l’ait compris. Nous devons encourager ces députés clairvoyants.

Samuel Furfari

Professeur émérite de géopolitique de l’énergie Université libre de Bruxelles