La COP29 vient de se terminer, au grand dam des activistes du climat qui en ressortent profondément déçus, même si ceux-ci sentaient bien le vent tourner depuis les COPs de Charm el-Cheikh et de Dubaï. En outre, s’ils ne sont plus venus déguisés en ours polaires comme par le passé, ce n’est pas seulement parce que cette espèce autrefois menacée est en constante croissance, mais aussi parce que le contexte global a changé !

Non, ils savaient que la bataille pour réduire drastiquement les émissions de CO2 était perdue, car, tels des coucous qui pondent leurs œufs dans les nids d’autres oiseaux pour s’approprier leurs ressources, les adversaires des activistes ont pris le contrôle du « nid » confortable des conférences climatiques. Le tournant a été la prise de conscience que, derrière la lutte contre les émissions de CO2, se cachait aussi une détermination à imposer la décroissance. Si, dans l’UE, certains — qu’ils soient activistes ou politiciens — rêvent encore de remplacer l’économie de marché par « l’économie du moins », ce n’est pas le cas dans le reste du monde. Et cette COP l’a entériné.

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Mais avant de le démontrer, notons que les observateurs de cette COP n’ont eu de cesse de décrire la lutte qui s’est livrée entre les pays de l’OCDE et ceux en développement. Ces derniers demandaient aux pays « riches » de leur accorder de l’ordre de mille milliards de dollars par an, mais pour finir, ils n’ont obtenu que trois cents milliards par an ; et encore, ce montant est à atteindre en 2035. De plus, si l’on tient compte de l’inflation depuis que le montant des transferts a été fixé à cent milliards par an lors de la COP15 à Copenhague, on arrive à deux cent cinquante milliards par an. On ne peut pas dire que la générosité soit au rendez-vous. Mais qui pourrait se permettre de donner plus ? Il n’y a pas que la France qui soit à court d’argent. Sans même parler de l’arrivée prochaine de Donald Trump qui mettra tout cela à la poubelle en ce qui concerne les États-Unis.

Transition cohérente

La véritable réussite des coucous est d’avoir éliminé, du moins de manière explicite, la notion de « transition » vers la sortie des énergies fossiles, qui avait été introduite à Bakou. Ce n’est guère surprenant, puisqu’Ilham Aliyev, président de l’Azerbaïdjan, a déclaré lors de l’ouverture de la COP 29 que « le pétrole est une bénédiction de Dieu ». Les coucous ont raison : on ne lutte pas contre une bénédiction. L’UE a aussi été piégée, car sa détermination à exiger un suivi annuel des efforts pour sortir du pétrole, du gaz et du charbon n’a pas abouti, l’Arabie saoudite ayant mené la charge avec succès. 

Revenons à l’éviction de la notion de décroissance. Le premier paragraphe de la décision de Bakou « affirme » que l’objectif est de maintenir l’augmentation de la température moyenne mondiale bien en dessous de 2 °C, comme le demande l’accord de Paris depuis neuf ans. Cependant, immédiatement
— et dans la même phrase — suit l’affirmation que cela ne doit pas se faire au détriment de la croissance : « favoriser la résilience climatique et le développement à faible émission de gaz à effet de serre d’une manière qui ne menace pas la production alimentaire ; et rendre les flux financiers cohérents avec une voie vers un développement à faible émission de gaz à effet de serre et résilient au changement climatique ». 

Les pays en croissance, notamment les africains, ont un défi prioritaire : l’alimentation de leur population et la croissance économique pour éradiquer la pauvreté et la fuite de leurs habitants vers les pays développés. C’est pour eux une question non négociable. Ils veulent bien émettre le moins possible, mais sans déroger à leur défi prioritaire. L’introduction de cette phrase dans la décision de la COP29 est significative. Leur lutte contre les émissions de CO2 est subordonnée à l’alimentation et à la croissance économique ; or cela exige une consommation croissante d’énergie qui ne pourra pas être, avant très longtemps, autre chose que des énergies fossiles. Il n’y a pas qu’Ilham Aliyev ou les pays arabes qui n’ont pas voulu que l’on mentionne les énergies fossiles dans la conclusion. 

En mentionnant la « mise en cohérence des flux financiers », la déclaration de Bakou mise beaucoup sur l’adaptation, c’est-à-dire l’augmentation de la résilience aux impacts climatiques. La notion d’adaptation était déjà prévue dans la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (Rio 1992), mais à présent, elle revient en force à tel point qu’un autre document adopté à Bakou lui est spécifiquement dédié : « Objectif global sur l’adaptation ». Cela aussi, c’est l’œuvre des coucous. Cela revient à reconnaître que les émissions mondiales de CO2 continueront à augmenter et qu’il serait plus judicieux d’utiliser les trois cents milliards par an pour se préparer aux catastrophes climatiques, qu’elles soient naturelles comme à Valence ou induites par l’homme. 

Ilham Aliyev peut dire qu’il a réussi sa stratégie. Son pétrole et surtout son gaz naturel continueront d’alimenter l’UE. Sa COP aura défini une orientation pour le développement futur, encourageant les pays à planifier un avenir à faible émission de carbone tout en renforçant la résilience aux impacts climatiques inévitables.