Charles de Gaulle, sortez de ce corps !

« Entendus » ou « compris » ne sont que des synonymes: l’idée est là.
Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo a pris des accents gaulliens à l’occasion de son serment d’investiture de second mandat. 

Il a rendu hommage «à la mémoire de nos héros, de tous nos compatriotes tombés au champ d’honneur», demandant à l’assistance d’observer un moment de recueillement. Aux vivants, il a déclaré qu’en votant le 20 décembre dernier, ils avaient «préservé l’héritage des pères fondateurs». Et d’ajouter, «je vous ai entendus». Atmosphère empreinte d’une indéniable consécration régionale, dix-sept chefs d’État africains en exercice étaient présents (Zimbabwe, Congo-Brazza, Afrique du Sud, Angola, Burundi, Centrafrique, Djibouti, Gabon, Gambie, Ghana, Guinée-Bissau, Kenya, Malawi, São Tomé-et-Principe, Sénégal, Tchad et Zambie), outre quatre présidents honoraires (Kenya, Madagascar, Tanzanie et Nigéria). On n’a pas vu Paul Kagame…

Entendus, qu’est-ce à dire ? Citons le Chef de l’État: «je m’engage à user de tout ce qui est en mon pouvoir pour que les erreurs du passé ne se reproduisent plus et pour que les actions nécessaires à l’avancement de notre pays soient promptement prises (…) un Congo transfiguré est né», assurant que l’on entre en une «ère de maturité». Comme l’aurait dit le Grand Charles, vaste programme ! Nouvel espoir.

L’ambition que porte une telle promesse implique la mise à l’écart définitive de plusieurs ministres, voire leur incarcération; ne serait-ce qu’au motif qu’ils gâchent la transfiguration. L’assainissement du microcosme politique, il n’est pas interdit d’en rêver. L’on assure en coulisse que le Chef de l’État considère qu’il est politiquement assez libre en son second mandat pour le consacrer à une remise en ordre drastique du pays. Une révolution ! Ou une gravissime désillusion populaire qui fera date.

N’importe où, en circonstances de corruption endémique confortée par une impunité quasi-totale, il faut que des têtes tombent pour que l’autorité soit crédible. Tant que le pouvoir ne s’imposera pas brutalement, très brutalement, l’éternel Congo demeurera éternellement corrompu; y compris son système judiciaire. L’idée progresse, mais trop lentement. La bonne gouvernance reste encore trop souvent du domaine de la comédie jouée afin d’obtenir des fonds internationaux. Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo soutient néanmoins que le pays est transfiguré. En fait, il observe que les Congolais, ont eux-mêmes adopté une attitude nouvelle. Et ça c’est indéniable, car ils ont manifesté une exigence citoyenne extraordinaire, presque du civisme, par leur participation globalement calme aux différents scrutins du mois dernier en dépit des difficultés de déplacement et des nombreux dysfonctionnements. Ne pas entendre cet avertissement serait politiquement suicidaire. Bref, l’attente est neuve; c’est tout. La véritable transfiguration du Congo, c’est une autre paire de manches. La difficulté première, question de maturité, c’est qu’au pays l’escroc fascine: il passe pour intelligent. Pratiquement un prix de vertu… 

Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo annonce, en plus de l’enseignement, trois initiatives présidentielles prioritaires: le désenclavement du territoire, l’assainissement des villes et le développement des chaînes de valeurs agricoles; c’est-à-dire l’instauration de filières intégrant production, transformation et commercialisation. Quid de la répression des corrompus ?
Deux questions subsidiaires: qui attribuera les marchés pour ces trois initiatives et de quel genre seront les investisseurs s’il n’y a, en face d’eux, que des apparatchiks avides ? En répondant aux Congolais qu’il les a entendus, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo a pris un engagement public aussi lourd que les travaux d’Hercule; les réaliser avec succès lui vaudra-t-il l’immortalité des dieux ? Ou le sort de Laurent-Désiré Kabila ?