Après les résultats d’élections-couperet, le PS opte pour une cure d’opposition et se met en ordre de marche. Si en interne, c’est l’écrémage des directeurs de cabinets, attachés, collaborateurs et experts congédiés, un cabinettard est particulièrement récompensé. De l’ombre à la lumière, Jamil Araoud trace sa route. Il devient le principal « ministre » de Paul Magnette.
« L’actuel chef de cabinet de la Ministre Ludivine Dedonder, Jamil Araoud, occupera les fonctions de chef de cabinet du Président du PS, Paul Magnette, dès la rentrée de septembre », peut-on lire dans un communiqué de presse diffusé le 25 juin dernier. Et pourtant, Jamil Araoud inspire peu confiance. Habituellement, parce que la culture de l’armée est la suivante « les ordres sont les ordres », l’insatisfaction des troupes demeure une affaire interne et le linge sale se lave en famille, mais les frustrations débordent du cadre. Tant du côté de l’Etat-major que des civils, il nous revient en off que les critiques fusent sur le personnage. Morceau choisi : « cela ne se voyait pas, mais Dedonder était complètement sous son influence, car elle n’avait elle-même aucune idée de la Défense. Avant de devenir son chef de cabinet, il était responsable de la prévention et de la sécurité à Bruxelles. Et les piètres résultats valent leur pesant d’or ». Sur X/exTwitter, les commentaires sont aussi gratinés. PAN s’est donc PAN(ché) sur son parcours.
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La sécurité, pour tous ?
En 2014, Rudy Vervoort (PS), Ministre-Président bruxellois, exerce « les compétences relevant du maintien de l’ordre public, ce qui inclut les questions relatives à la sécurité civile et à l’élaboration des plans relatifs aux situations d’urgence sur le territoire de Bruxelles-Capitale ». Dès le départ, la sécurité bruxelloise est gérée par des proches du PS, dont Jamil Araoud. Peu connu du grand public, il hante les cabinets politiques depuis un certain temps. Son master en sciences politiques (ULB) en poche, il travaille pendant sept ans dans le contre-terrorisme au Service général de renseignement et de sécurité (Défense). Il est ensuite recruté au cabinet de la vice-Première ministre Laurette Onkelinx (PS) comme « conseiller sécurité, politique étrangère et défense ». C’est en septembre 2014 qu’il rejoint le cabinet du ministre-président de la Région de Bruxelles-Capitale, Rudi Vervoort (PS), pour s’occuper de prévention et de sécurité. Il sera nommé directeur général de Bruxelles prévention & sécurité (BPS).
Des sous, oui mais pour qui ?
En 2020, quatre ans après les attentats de Zaventem et de Maelbeek, la Région de Bruxelles-Capitale s’empare donc des questions de sécurité. Sur cette base, Safe.brussels est créé. L’organisme d’intérêt public (OIP) est chargé de mettre en musique les nouvelles compétences en matière de sécurité issues de la sixième réforme de l’Etat et de sa version intrabruxelloise de 2014. Une promesse électorale en soi : « vivre Bruxelles en toute sécurité ». Dans le cadre de la mise en œuvre du Plan Global de Sécurité et de Prévention, la Région de Bruxelles-Capitale alloue alors des subventions aux associations actives dans la chaîne de prévention et de sécurité. Safe.brussels est l’organisme auquel la gestion de ces subventions est confiée, subventions qui interrogent pour certains. Il apparaît que des Asbl bénéficiaires de fond n’ont rien à voir avec la sécurité dans leur objet social. La sécurité pour d’aucuns serait plutôt financière. Il se dit déjà en coulisses que Jamil Araoud n’y serait pas étranger. C’est le premier grincement des dents de son entourage.
Un « pro » du renseignement
Soulignons aussi qu’en 2016, Jamil Araoud devient administrateur du Centre de Gestion Informatique des Administrations Locales (GIAL), une Asbl chargée de la gestion du parc informatique de la Ville de Bruxelles. Depuis sa création en 1993, cette structure a pourtant été source de plusieurs scandales :
escroqueries, malversations, fraude aux marchés publics, vacances aux frais du contribuable et corruptions diverses qui déboucheront sur des audits externes. Le « pro » du renseignement ne s’est-il pas dûment renseigné ?
Mais, revenons à Bruxelles Sécurité, Durant son mandat, Jamil Araoud « se distingue » dans la lutte contre la radicalisation en effectuant des pèlerinages politiques au Québec. Sans prendre de renseignements sur le Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence (CPRMV), basé à Montréal, il signe fièrement un accord avec cette structure. Elle est pourtant considérée par la presse canadienne comme proche des Frères Musulmans. Et pour cause ! En décembre 2016, Herman Deparice-Okomba, du comité d’experts du CPRMV était accueilli en Tunisie par le Center for the Study of Islam an Democracy (CSID). Selon le Center for Islamic Pluralism, le CSID est un think-thank basé à Washington qui sert de relai a certains des membres les plus détestables du lobby wahhabite.
En septembre 2017, le Vif/L’Express parle alors, dans ses pages, de
« proximités dérangeantes » et s’interroge : « pourquoi nos autorités défilent-elles en rangs serrés dans un petit centre québécois relativement dépourvu d’expérience en matière de radicalisation ? ». L’approche du fameux centre est simple : ne jamais nommer le mal terroriste, présenter les choses d’une manière large et éviter l’amalgame. Approche qui ravit le PS bruxellois, surtout à l’approche des échéances électorales.
Chemin classique des structures subsidiées : après l’euphorie, le réveil. Le CPRMV, le modèle choisi par Jamil Araoud, est épinglé la même année pour mauvaise gestion financière, embauches controversées et prise indue de bénéfices. Le centre fut placé sous administration provisoire. A ces controverses s’ajoute une autre, et pas des moindres. Herman Deparice-Okomba est accusé par ses collaborateurs de les avoir incités à contrevenir à leur code de déontologie en partageant des renseignements confidentiels obtenus dans les discussions avec les jeunes radicalisés qui fréquentaient le Centre.
A lui, La Défense…
Les compétences de Jamil Araoud, comme ses accointances, questionnent de plus en plus. Et pourtant, après ces « grands succès » pour notre sécurité dans l’espace public bruxellois, Jamil Araoud est récompensé sur mesure. En 2020, il est promu du BPS au cabinet de Ludivine Dedonder. L’homme susurre à l’oreille des chevaux, mais ils ne sont pas de cavalerie ! Il se dit que le directeur de la cellule stratégique murmure les directives à l’oreille de la ministre, trop prise par TikTok, apparemment. En remerciement sans doute, le 16 décembre 2020, la ministre le nomme aussi Commissaire du gouvernement auprès du War Heritage Institute, l’institut chargé de la conservation du patrimoine militaire historique belge.
En 2021, à la suite des trois semaines de cavale du militaire Jürgen Conings, cavale qui alimentera la presse belge mieux qu’une série Netflix, le général-major Philippe Boucké, de la direction du Service Général du Renseignement et de la Sécurité (SGRS), est remercié. La ministre de la Défense doit faire face à un soulèvement des généraux sans précédent qui critiquent ce limogeage. La direction de l’armée n’accepte pas que le chef du renseignement militaire soit le bouc émissaire des années de négligence politique de l’armée. Si Ludivine Dedonder confirme « une décision prise de commun accord », l’erreur de com’ est attribuée au sommet de l’armée à Jamil Araoud, le conseilleur.
A l’évidence, la carrière de Jamil Araoud n’est décidément pas un long fleuve tranquille. Mais, imperturbable, il avance ! En septembre prochain, il deviendra donc le nouveau chef de Cabinet de Paul Magnette. C’est un fait établi, au PS, on n’attend pas le nombre des années, on reconnaît le talent !
La magie du recyclage politique, en somme. Il se dit aussi que l’homme en
« sait beaucoup » sur la gestion socialiste. Autant le garder sous le coude. Ceci explique sans doute cela. C’est très « moche », mais ce n’est pas Charleroi qui l’est …