Le scrutin a eu lieu ; l’entente politique prévaudra

Depuis l’indépendance, aucune présidentielle n’a été exempte de contestation. Mais l’attitude de Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo contraste avec celle de son prédécesseur. Cette fois-ci, les élections ont été tenues à la date prévue, le 20 décembre 2023. Dans un chaos indescriptible, certes, mais au moins le pas est franchi. Et c’est essentiel. Reste à dresser le bilan global: des scrutins crédibles ou non, that’s the question. C’est surtout au sujet de l’élection du Président de la République que celle-ci se pose. Quels que soient les autres élus (sénateurs, députés, etc.), ils s’aligneront en fonction de l’offre politique que déterminera le Chef de l’État. Au pays, il n’y a pas de différence idéologique fondamentale: le premier souci est de manger, financièrement s’entend. Le vainqueur peut négocier une majorité parlementaire.

Quid du scrutin ? Confronter les discours officiels est significatif. L’auto-persuasion, d’abord: «Une CÉNI de standard mondial qui imprime une culture démocratique», à croire ce que celle-ci prétendait. Standard mondial… Dans quel monde ? Le dépit ensuite, drapé d’indignation: «J’ai entendu certains parler d’élections chaotiques. Nous ne considérons pas ces élections comme chaotiques. Nous, nous considérons que le temps n’étant pas notre allié, nous avons donné le meilleur de nous-mêmes. Le but n’était pas de rechercher la perfection pour être applaudis», affirme Denis Kadima, le président de la commission électorale (CÉNI). Vu sous cet angle, le résultat est atteint: il n’y a pas de quoi applaudir. L’on n’a pas encore dressé l’inventaire des incidents et des carences, mais ils sont légion: bureaux électoraux dépourvus d’équipement, matériel livré dans l’après-midi pour des votes devant débuter le matin, pannes diverses, et cæteri et cætera. Au passage, des morts dont un observateur belge passé fortuitement du 12ème étage du Hilton jusqu’à la chaussée. Constat révélateur de multiples complications: il a fallu prolonger les opérations du 20 au 21 décembre 2023. 

En toile de fond, un autre constat: sans l’apport étranger, l’État congolais ne serait même pas arrivé à ce résultat. Dans les derniers moments, moins de dix jours avant l’échéance (connue depuis cinq ans), la CENI a lancé l’appel à des hélicoptères et des avions pour déployer le matériel; hélicoptères et avions dont ne disposait pas le pays. Et cette incurie abyssale, soulignons-le, c’est «le meilleur de nous-mêmes», Kadima dixit. Trop tard, en saison des pluies, pour atteindre les lieux aux pistes impraticables. Et manifestement impossible, en quelques jours, d’acheminer tout vers des milliers de bureaux électoraux sur un territoire égal à quatre-vingt fois la Belgique, pratiquement sans administration territoriale ni routes. L’on ne pouvait pas compter non plus sur le matériel acquis lors des scrutins précédents: détruit à défaut d’entretien ou volé. Au-delà de tout équipement, il y a l’Homme. Les observateurs internationaux ont relevé de nombreux incidents (tentatives d’intimidation, etc.), mais, ça, c’est un phénomène récurrent. Les scrutins précédents en étaient émaillés, eux aussi. L’Église catholique et l’Église protestante, via leurs observateurs, ont mis en place un système de vérification parallèle fondé notamment sur les relevés des chiffres affichés dans les bureaux électoraux. 

En revanche, un gage d’avenir s’est manifesté: il y a eu relativement peu de violence. De façon générale, les Congolais ont eu un comportement admirable, exemplaire. La volonté d’être entendu démocratiquement était manifeste. Beaucoup s’étaient déplacés de loin, à pied souvent, pour être sur place dès l’aube. Leur attente s’est comptée en heures, voire en demi-journées. La pluie tropicale ne les a pas ménagés; il n’y avait pas davantage d’abris que d’autres équipements, évidemment. L’occasion de parler ensemble. Avant tout, du civisme; au Congo, c’est porteur d’espérance. Reste au microcosme politique à entendre le message citoyen. Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo peut jouer un rôle historique: LAW AND ORDER.