La semaine dernière, nous avons constaté que le futur gouvernement fédéral semble prendre conscience de l’importance de l’énergie nucléaire pour assurer un avenir prospère à la Belgique. En revanche, nous avons émis de sérieux doutes sur la production d’électricité à partir d’éoliennes. En effet, outre le coût financier de la compensation de l’intermittence et de la variabilité, il faudrait construire des centrales à gaz pour remédier à cette situation. Il s’agit donc d’un double investissement qui ne peut que pénaliser l’économie du pays.

L’importance des flammes !

Mais les politiciens, toujours prompts à s’occuper de l’électricité, négligent le reste, car ils savent qu’ils n’ont que peu de prise sur celui-ci et, surtout, qu’ils n’ont pas de solution simple et populaire à proposer.

Pourtant, l’électricité ne représente que 22 % de la consommation finale d’énergie dans l’UE, les transports 27 % et la chaleur environ 50 %. En parlant d’énergie nucléaire et d’éoliennes, les politiciens traitent un cinquième de la question énergétique et négligent l’énergie finale la plus importante : la chaleur, l’énergie thermique, les flammes, quel que soit le nom qu’on lui donne.

Presque toutes les industries continueront à dépendre de l’énergie thermique pour leurs processus : cimenteries, verreries, briqueteries et industries céramiques, mais aussi brasseries, etc. Il en va de même pour de nombreux services qui ont besoin de chaleur en grande quantité, comme les hôpitaux ou les piscines. À court ou moyen terme, il n’est guère possible de remplacer le gaz qui alimente ces industries et services par des énergies renouvelables. Comme le gaz jouera encore longtemps un rôle essentiel pour répondre à ce besoin incontournable, il est indispensable d’inciter les quelques industries qui utilisent encore le mazout ou même le charbon à passer à cette énergie, qui, bien que fossile, émet moins de polluants atmosphériques et moins de CO2. Laissons de côté l’illusion de la pompe à chaleur pour tous, qui ne mérite même pas d’être mentionnée. Pour que les Belges n’aient pas froid, il va donc falloir assurer l’approvisionnement en gaz.

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Cela signifie que la Belgique doit bien gérer sa sécurité d’approvisionnement en gaz. Elle devrait développer une politique géopolitique de l’énergie clairvoyante pour s’assurer que dans 20 ans et au-delà, nous aurons des quantités suffisantes de gaz. Pour ce faire, nous devons faire le contraire de l’Allemagne, qui a été aveuglée par le gaz russe. La stratégie développée par la Commission Prodi en 2000 pour assurer la sécurité de notre approvisionnement énergétique était simple, mais ô combien clairvoyante : diversifier les pays d’approvisionnement et les routes et les moyens de transport. Ce devrait être la priorité du prochain gouvernement, sans se soucier des émissions de CO2, car sans gaz, la Belgique s’effondrerait.

L’utopie hydrogène

Pour éviter d’aborder la dure réalité du gaz et de l’intermittence des éoliennes, les Allemands ont sorti l’hydrogène d’un chapeau de prestidigitateur. La Commission ainsi que le gouvernement belge sortant se sont empressés de les imiter. Lorsque cette frénésie est apparue en juillet 2020, j’ai été profondément choqué et déçu qu’une institution aussi prestigieuse que la Commission puisse proposer cette utopie. Utopie, car elle a été proposée par John Haldane en 1923 et ressuscitée par le fonctionnaire européen Cesare Marchette dans les années 1960, malgré les échecs des nazis qui croyaient eux aussi à cette molécule philosophique. L’hydrogène est un mirage dans le désert énergétique, un rêve qui, malgré des décennies d’investissements, ne s’est jamais concrétisé de manière viable et ne le sera jamais, du moins en tant qu’énergie. C’est pour cela que j’ai écrit le livre « L’utopie hydrogène ».

La raison est simple et sans échappatoire. Aucune politique ou technologie ne pourra inverser cette vérité irréfutable. Dans le monde, il existe deux sources d’hydrogène : les hydrocarbures et l’eau. Pour produire la précieuse molécule, il faut de l’énergie pour briser les liaisons chimiques de ces composés. Il faut presque sept fois plus d’énergie pour produire une mole (si vous vous souvenez du terme, sinon pensez à un kg) d’hydrogène à partir de l’eau qu’à partir du méthane (gaz naturel). C’est pourquoi la plupart des 130 millions de tonnes d’hydrogène produites chaque année sont fabriquées à partir de méthane. Tant qu’il y aura du gaz dans le monde, personne ne produira d’hydrogène à partir de l’eau dans le monde libre.

On entend dire que cela pourrait être rendu possible grâce au nucléaire. C’était en effet l’objet des recherches de Marchetti au Centre commun de recherche. Cependant, les réacteurs à haute température nécessaires pour décomposer thermiquement la molécule d’eau n’existent pas encore. Il faut donc les développer. Je le souhaite vivement. Ensuite, il faudra démontrer que le procédé est économique, et ce n’est qu’alors que nous pourrons vérifier si l’avantage du gaz, sept fois moins gourmand en énergie, sera surmonté. Nous ne le saurons pas avant 2050. Il n’est guère sérieux de développer une politique énergétique sur une base aussi incertaine. 

Non seulement nous ne pourrons pas produire d’hydrogène compétitif à partir d’électricité, qu’elle soit verte ou non, mais brûler une molécule de base de la chimie et de la pétrochimie est un « crime chimique ». La brûler reviendrait à brûler des sacs à main Louis Vuitton pour se réchauffer. 

Le retour du colonialisme

Pour suivre l’Allemagne qui, sachant ce que je viens d’écrire, veut produire sa molécule verte en Afrique, la ministre Tinne Van der Straeten a lancé la folle politique de produire de l’hydrogène en Namibie. Ce pauvre pays d’Afrique de l’Ouest doit importer 68 % de son électricité d’Afrique du Sud, elle-même produite à partir de charbon. De plus, l’électrolyse de l’eau nécessite une eau de qualité et la Namibie est un pays largement désertique. Elle pourrait envisager de la produire à partir du dessalement de l’eau de mer... en utilisant de l’énergie. Tournez le problème dans tous les sens, et il n’y aura pas de production d’hydrogène en Namibie, à moins que la Belgique ne débourse des sommes colossales qui ne pourront jamais compenser l’avantage du méthane. 

En fait, la politique du gouvernement précédent était une nouvelle forme de colonialisme : l’écocolonialisme. En Namibie, le taux d’électrification était de 53,9 % en 2018, avec seulement 35,5 % dans les zones rurales (et comme toujours en Afrique, avec des coupures de courant fréquentes). Peuvent-ils produire de l’hydrogène pour nous quand il manque du besoin élémentaire d’électricité ? 

J’ai eu le cœur serré lorsque l’équipe précédente a trompé le roi Philippe en l’amenant en Namibie pour cette utopie. J’espère que la Belgique abandonnera au plus vite cette folie.