C’est la polémique sportive de la semaine : le match de boxe olympique entre l’Italienne Angela Carini et l’Algérienne Imane Khelif n’aura duré que 46 secondes… jugeant le combat inégal, l’Italienne perd par abandon !
C’est l’effet boomerang pour l’Algérienne dans une véritable soupe de confusions ! « C’est un homme, c’est un transgenre, il a mis sa vie en danger », tout y passe ! C’est oublier que l’usurpation de sexe est prohibée au nom de l’équilibre des chances. Si le principe est simple, le système hormonal est parfois plus complexe. Et le débat est presqu’aussi vieux que le sport.
Une longue histoire de « doute visuel »
Dès le début de leur participation aux Jeux, en 1920, t-shirt relevé et pantalon baissé, les athlètes féminines réussissant des exploits sportifs ont dû faire la preuve de leur sexe en se soumettant à des examens d’anatomie génitale humiliants devant un collège de médecins. Ces examens se durcissent encore en 1966 lors des Championnats d’Europe d’athlétisme à Budapest. A cette époque, les sportives de l’Est raflent une bonne partie des médailles, ce qui suscite une rivalité très forte à l’Ouest. Curieusement, on ne les soupçonne pas de dopage en substances, mais d’être des hommes. Le contrôle gynécologique se complète alors d’un test de souffle et d’un prélèvement de salive, le test du corpuscule de Barr, qui vise à repérer le second chromosome X de la femme et à avoir ainsi la certitude que la sportive est bien XX et non XY. La seule sportive de haut niveau qui échappera officiellement au test de féminité, bien qu’elle aussi épinglée dans la presse pour son physique masculin, est la Princesse Ann, en 1976, alors membre de l’équipe équestre britannique. Du fait de son sang royal, elle sera dispensée de cet affront.
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Un taux de testostérone élevé
Ces tests de féminité ont été pratiqués jusqu’aux Jeux olympiques d’Atlanta en 1996. Jugés invasifs, violant la vie privée et la dignité, ils ont été officiellement abolis par le Comité International Olympique (CIO) en 1999. La controverse se poursuit toutefois. Certaines fédérations s’autorisent encore le droit d’imposer des tests à des sportives dès lors qu’elles ont un morphotype un peu trop masculin ou qu’elles explosent les records. D’autres imposent à ces femmes présentant un excès naturel d’hormones sexuelles mâles de faire baisser pendant plusieurs mois leur taux de testostérone par un traitement hormonal très lourd, avant de s’aligner sur certaines épreuves internationales. « La pratique va à l’encontre des droits humains », dénonce en 2020 l’ONG Human Right Watch, en soutien à Caster Semenya, du nom de cette athlète sud-africaine aux traits masculins très prononcés et soupçonnée d’être un homme lors des Championnats du Monde d’Athlétisme de Berlin en 2009. Après une série de tests dégradants, il a été conclu que Semenya était bien une femme, mais qu’elle présentait une hyperandrogénie, soit un excès de testostérone. Privée de compétition, elle plaide actuellement son droit à concourir devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Le verdict est attendu prochainement.
Hyperandrogénie, un avantage compétitif ?
La boxeuse Iman Khelif a naturellement un taux élevé d’hormones mâle (androgènes). Par hyperandrogénie, on entend un taux particulièrement élevé de testostérone dans le sang, une hormone stéroïdienne qui participe au développement du phénotype masculin (changement de voix à la puberté, ossature et poils sur le visage notamment). La testostérone est sécrétée par les testicules, mais aussi par les ovaires, bien qu’en moindre quantité. En moyenne, une femme cisgenre a un taux de testostérone de 0,3 à 3 nanomoles par litre de sang. Au-delà de ce taux, on parle d’hyperandrogénie. Dans certains cas, ces femmes peuvent aussi être intersexes, soit être nées avec des chromosomes XY plutôt que XX ou avoir des caractéristiques sexuelles masculines. On estime que 1,7% de la population mondiale est intersexe.
La testostérone, qui varie au cours d’une vie, peut augmenter la masse musculaire, la force, le transfert et l’absorption de l’oxygène des individus. En revanche, il n’existe aucun consensus scientifique permettant d’affirmer qu’un taux de testostérone élevé entraîne nécessairement de meilleures performances sportives. Ou alors, tous les hommes visuellement hyper virils seraient de facto des champions olympiques ! (sic !). Par ailleurs, tous les athlètes présentent des caractéristiques physiques naturelles qui les avantagent lorsqu’ils concourent : 1M97 et de longues jambes pour Usain Bolt, de larges épaules pour le nageur Léon Marchand. Pourtant, on ne les écarte pas de la compétition sous prétexte que c’est « injuste » par rapport aux autres (re sic !).
Entre le taux de testostérone (aléatoire) et le caryotype objectivé (23 paires de chromosomes, dont les paires XX et XY), le Comité International Olympique (CIO) a choisi. Iman Khelif est bien une femme. Et elle n’est pas dopée. Elle rentre donc dans les conditions de participation aux JO. Après, que la nature la prédispose éventuellement, c’est autre chose (et à prouver). Fin de la polémique et stop au bashing. Sujet clos.