C’est il y a 5 ans, fin novembre 2019, que Georges-Louis Bouchez a été élu président du MR.

Beaucoup, à l’intérieur du parti, s’y opposaient. Ils craignaient sans doute que le parti change, qu’il sorte de sa torpeur où l’avaient installé ses deux prédécesseurs.

Et c’est effectivement ce qui s’est passé. Bouchez a fait changer le MR. Avant les dernières élections, ils étaient nombreux ceux qui voulaient se débarrasser de lui, mais la grande victoire électorale de leur président les en a empêchés.

Le changement le plus important, c’est sans doute que ce parti a retrouvé une doctrine. Au MR, on ose de nouveau se présenter comme libéral, et un slogan du parti dit même « fier d’être libéral ».

Il était temps. Sous Olivier Chastel et Charles Michel, le mot « libéral » était pratiquement banni. On se proclamait seulement « réformateur », ce qui ne veut absolument rien dire et on évitait toute mention du « libéralisme », que l’on présentait parfois même comme une idée d’hier.

Le grand mérite de Georges-Louis Bouchez, il faut le dire, est d’avoir réhabilité les convictions libérales au sein de son parti. Tant pis si cela braque ses adversaires, à l’extérieur et à l’intérieur. Un parti ne peut gagner sans conviction, sans idées, et pour cela, il faut une doctrine.

Être seulement, comme auparavant, le parti des notables, voire même de la « classe moyenne », ce n’est pas assez. Il faut sans cesse rappeler pourquoi on a des valeurs différentes des autres, pour les faire triompher.

Avant Bouchez, on a longtemps eu l’impression que le MR était un parti de centre gauche comme tous les autres. Lorsqu’on faisait remarquer à ses dirigeants que les impôts n’ont cessé de monter en Belgique, un des pays les plus taxés au monde, alors que le MR a pratiquement toujours été au pouvoir, ils répondaient que, sans ce parti, cela aurait encore été pire.

Voilà qui est un peu triste comme ambition politique : se contenter d’être un frein sur la voie du socialisme, ce n’est pas comme ça que l’on défend les valeurs libérales. 

Bouchez l’a compris et, au risque de s’isoler dans le monde politique belge, il a proclamé, à de nombreuses reprises les valeurs qu’il défendait.

Sans doute en commettant des erreurs, comme cette aberrante entrée du MR dans la majorité Vivaldi, où il savait bien qu’il ne pourrait que jouer de la figuration face à des partis de gauche majoritaires, y compris le sinistre Open VLD du premier ministre, incapable de faire passer la moindre idée libérale, malgré le sigle « Open VLD » de son parti.

Cela a valu à Georges-Louis Bouchez quatre années où il n’a pu que proclamer des idées d’opposition, alors qu’il était président d’un parti de la majorité. Cette participation n’a rien apporté aux idées libérales ni aux électeurs de son parti. Il s’est borné à l’utiliser pour contester la très mauvaise politique du gouvernement, et pour glaner, de-ci de-là, quelques demi-succès, comme dans le domaine du nucléaire. 

Mais cette période a permis de gagner les élections de juin dernier, d’être devenu le premier parti francophone du pays et d’enfin réaliser quelques mesures conformes à ses idéaux, comme la réduction très importante des droits d’enregistrement et celle, malheureusement postposée à 3 ans, des droits de succession en Wallonie. C’est très insuffisant, mais c’est enfin un petit pas dans la bonne direction. 

Pour réussir, il en faudra toutefois plus. Le danger, c’est à nouveau de se laisser enfermer dans une coalition qui, au fur et à mesure des « super notas »
de Bart De Wever, se révèle de moins en moins proche du libéralisme. L’on sait que Bart De Wever n’a jamais été libéral, qu’il est seulement un conservateur et que ce n’est pas du tout la même chose. Il faut se méfier d’un deal toujours redouté, entre des nationalistes flamands qui donnent la priorité à un fédéralisme qui accroît les pouvoirs des régions, et la gauche socialiste et chrétienne qui, sur le plan social et économique, est toujours disposée à donner plus de pouvoirs et de moyens aux autorités publiques.

On ne doute pas que Georges-Louis Bouchez se soit rendu compte qu’il ne peut plus se permettre, vis-à-vis de ses électeurs, une nouvelle stagnation. Il a changé son parti au niveau des idées ; il faut maintenant qu’il le change aussi en obtenant enfin des réalisations à tous les niveaux, et notamment au niveau fédéral.

Cela paraît mal parti de ce point de vue lorsqu’on lit les textes qui, ça et là, émergent des négociations toujours aussi décevantes. Tout le monde le sait : la clé de cette négociation, c’est le domaine fiscal. C’est là qu’il faudra obtenir quelque chose, quelque chose de beaucoup plus important que les assez misérables tax shifts de l’époque de Charles Michel.

Ceux qui sont victorieux ne peuvent pas décevoir.