Du caviar à la « taxe »
Quand François Hollande remporte les élections présidentielles françaises en 2012, pour éviter de se voir accoler une étiquette qui empoisonne le Parti socialiste français depuis des années - Mitterrand était friand de caviar - il s’installe à l’Élysée avec une volonté de « simplicité ». Il réduit alors les coûts et supprime les mets de luxe lors des dîners de gala et visites d’État. Exit la truffe, le homard et le caviar ! Mais, cela ne suffira pas à dégommer des dépenses jugées excessives qui valurent du coup à ces grands bourgeois socialistes, appelés « Champagne socialists » au Royaume-Uni, « Ballantine's esquerda » (par référence au whisky Balantines) au Brésil, « Red set » (par référence à la Jet set) au Chili et « gauche caviar » en France. Et pour qu’un caviar digne de ce nom reste cohérent, il faut qu'il saute de joie à chaque fois que l'État augmente les impôts et taxations diverses.
Redistribuer en s’endettant
Or, une telle politique redistributive fonctionne bien lorsque la croissance économique est forte. Ce fut le cas entre 1945 et 1975, époque du développement de l’État-providence en Europe. Les prélèvements obligatoires peuvent alors augmenter sans pour autant pénaliser fortement quiconque. Le supplément annuel de richesse permet de financer la hausse des prélèvements. Mais à partir des années 80, le taux de croissance baisse progressivement pour devenir très faible. Et c’est là où cela coince philosophiquement depuis : Devant l’évidente impasse, les socialistes au pouvoir ne peuvent pas électoralement renoncer à la promesse de redistribution publique des richesses. L’augmentation des prélèvements ne suffisant pas pour les financer, il faut dès lors endetter le pays et la politique redistributive socialiste est de facto aujourd’hui financée à crédit.
La résiliation, toujours tacite, de ce gentlemen’s agreement place le socialisme occidental dans une situation désespérée. Alors on use et abuse du verbe : La gauche, ce sont des gens qui pensent aux autres, qui ont une humanité, une générosité formidable. Mieux, quand le Parti socialiste est au pouvoir, le chômage diminue, la croissance augmente et les riches partagent leur argent avec les pauvres. Ah oui ?
Les idées à gauche et le portefeuille à droite
Au premier trimestre de cette année, nos confrères de la Dernière Heure se sont penchés sur les émoluments des présidents de partis politiques belges. Selon les derniers chiffres 2021 disponibles publiés par la Cour des comptes, il ressort que c'est le socialiste Paul Magnette qui fut le mieux payé il y a deux ans. Avec 9 mandats, dont 3 rémunérés, Paul Magnette (PS) est le mieux payé des présidents de parti en Wallonie: il touche entre 251.230 et 405.059 euros brut par an, soit jusqu’à 34.000 euros brut par mois maximum. Et pourtant les mots fétiches du président de parti, dopés par son Manifeste écosocialiste, sont orientés « vie large ». Et, toujours selon la DH, en additionnant l’utilisation du singulier et du pluriel), c’est le terme « salaire » qui décroche la palme d’or socialiste (89 occurrences en 33 récents interviews). Quelle insistance ! En résumé : « faites ce que je dis, mais ne dites pas ce que je fais »…
Une hypocrise transfuge
Mais, la réalité économique ne peut être éternellement éludée par des subterfuges de langage. Les grandes envolées lyriques à gauche de l’échiquier politique cachent de plus en plus mal une « luxueuse » et ambiguë indifférence au sort des catégories les plus économiquement fragilisées par les récents contextes sanitaire et énergétique. Alors, exit les discours clivants, aux oubliettes pauvres et riches, ouvriers et patrons !
Face au cul de sac, on se rabat vers un socialisme qui se veut « révolutionnaire », une forme de « coming-out » : il faut, cette fois, renoncer à la prospérité matérielle parce que « le réchauffement climatique est en train de nous tuer tous ». Vive la décroissance ! Le combat environnemental se veut être un combat contre les inégalités et donc contre le capitalisme et donc … contre les riches, ceux qui roulent dans de grosses voitures, ont des biens immobiliers et partent trois fois par an en vacances. Et voilà, la boucle est bouclée. Retour case départ : Il faut taxer le même « ennemi public » commun, le capitalisme, non plus au nom de la lutte des classes, mais pour sauver la planète …
Quelques bémols à ce concept mortifère : la Belgique est déjà le pays le plus taxé au monde, une réforme fiscale (puisqu’elle est d’actualité) n’est jamais neutre, une taxation non plus. Et selon le principe de l’égalité en matière fiscale - à ne pas confondre avec l’égalité devant l’impôt -, tout le monde passe à la caisse de manière indifférenciée. C’est comme cela que le PS entend soutenir les plus fragilisés ? On dit juste, « bravo ». Y a de l’idée !
Cette approche confiscatoire de nombreuses autonomies en matière de libertés entrepreneuriales n’est, en fait, rien moins qu’une hypocrisie transfuge à l’horizon 2024 pour conserver un électorat rouge qui s’interroge et un électorat vert qui s’étiole. A ne pas en douter, l’écosocialisme de Paul Magnette garantira une seule une chose à la Gauche recyclée : le caviar sera toujours dans certaines assiettes. A l’analyse, c’est la seule promesse tangible !