Toute personne souhaitant mesurer l’ampleur de la dérive réglementaire de l’Union européenne lira les articles 34 et 35 du Digital Services Act (DSA). Il est impossible de les citer intégralement ici, vu leur longueur (!), alors voici un extrait :

Article 34, Évaluation des risques - 1. Les fournisseurs de très grandes plateformes en ligne et de très grands moteurs de recherche en ligne identifient, analysent et évaluent avec diligence tout risque systémique dans l’Union découlant de la conception ou du fonctionnement de leur service et de ses systèmes connexes, y compris les systèmes algorithmiques (...) et incluent les risques systémiques suivants (...). ) a) la diffusion de contenus illicites par l’intermédiaire de leurs services (y compris les discours de haine, NDLR) ; b) tout effet négatif réel ou prévisible sur l’exercice des droits fondamentaux, en particulier le droit fondamental (...) à la non-discrimination ; c) tout effet négatif réel ou prévisible sur le discours civique et les processus électoraux, ainsi que sur la sécurité publique ; d) tout effet négatif réel ou prévisible sur (...) la santé publique (...) et les conséquences négatives graves pour le bien-être physique et mental de la personne (…).

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L’article 35, ‘Mitigation of risks’ oblige lesdites plateformes à tout un arsenal de mesures préventives répressives, fondamentalement pour éviter le partage des informations qui déplaisent à la Commission européenne. En résumé, il s’agit de contraindre ces plateformes à payer des hordes de patrouilleurs pour traquer sans relâche les opinions qui ne plaisent pas au Seigneur européen. Le caractère préventif de ces mesures permet de les qualifier de censure au sens strict. Qui plus est, de censure générale, car les termes utilisés par le législateur européen — hate, non-discrimination, civic discourse, electoral process, public security, public health, well-being — sont si vagues que les censeurs munis de ciseaux (digitaux) couperont où bon leur semble, selon le bon plaisir du Prince européen.

Once Upon a Time in the West

Elon Musk n’a jamais fait mystère de son adhésion au concept américain de la liberté d’expression, qui est que l’expression est libre quoi qu’en dise la loi. Selon la Convention européenne des droits de l’homme, en revanche, l’expression est libre sauf les exceptions légales. Longtemps, ces exceptions furent rares, l’expression restant dès lors en fait quasiment aussi libre en Europe qu’aux Etats-Unis. Depuis trente ans, ces exceptions européennes à l’expression libre se multiplient — haine, discrimination, racisme, islamophobie, transphobie, ...  — tant et si bien que des citoyens européens — UK compris — sont aujourd’hui arrêtés, jugés et emprisonnés pour l’expression d’idées inconvenantes sur Facebook ou X/Twitter.

Mais alors, me direz-vous, les deux concepts de l’expression — libre aux USA, serve en Europe — ne sont-ils pas voués à coexister, chacun pour ce qui le concerne, sur nos continents respectifs ?

Le problème est que l’Union européenne se fait une conception impériale de sa réglementation. L’UE ne régule pas l’Europe ; elle régule le monde. Fidèle aux riches traditions juridiques allemande et française, l’UE se perçoit comme une sorte de modèle législatif pour l’univers. Non seulement l’UE prend l’initiative de réguler des secteurs qui ne l’étaient pas, encore s’attend-t-elle à ce que le reste du monde suive son exemple.

Mieux — ou pire, selon votre point de vue — l’UE assortit ses réglementations à vocation mondiale de sanctions qui ne le sont pas moins. Ainsi la violation du Digital Services Act (DSA) est-elle passible de sanctions qui se calculent en pourcentage du chiffre d’affaires — chiffre d’affaires, et non les seuls bénéfices — réalisé par les plateformes concernées non seulement en Europe, mais partout dans le monde. S’agissant de plateformes telles Facebook ou X, on parle donc d’amendes européennes qui se chiffreraient en dizaines de milliards US$.

Prosterne-toi, Américain !

Or, toutes les ‘grandes plateformes’ ainsi régulées avec une superbe impériale par l’Union européenne, sont en réalité américaines. Aucune de ces plateformes soumises à l’auguste UE n’est européenne, l’UE étant devenue aussi stérile en innovation qu’elle est féconde en réglementations. 

Ce qui place l’UE et le DSA en particulier sur une trajectoire de collision avec la nouvelle administration américaine. Touchante naïveté de la presse allemande qui, le 8 janvier 2025, en est encore à appeler de façon gourmande à l’application des sanctions du DSA à X, et désormais aussi à Facebook — demain le Kremlin et la Maison-Blanche ?

Car l’information majeure du 7 janvier est le ralliement de Mark Zuckerberg, donc Facebook et Instagram, au concept muskien du free speech, qui est celui de la Constitution des États-Unis. Que ce ralliement soit intéressé importe peu : ce qui importe est la solidarité qui se tisse entre les grandes plateformes américaines et le gouvernement des Etats-Unis en faveur de la liberté d’expression réelle.

Dès lors, soit le free speech américain s’imposera à l’Europe, soit l’Europe imposera sa conception aux plateformes américaines. Il n’y aura pas de coexistence des deux conceptions. Si l’UE s’était montrée plus raisonnable, en ne légiférant que pour l’Europe, et prévoyant des sanctions locales, les deux concepts auraient pu coexister. L’hybris du DSA — sanctions mondiales — rend cette coexistence impensable.

Osons un pronostic : le free speech américain s’imposera. Car l’Europe est faible, et l’UE comme bureaucratie est de plus en plus haïe par les Européens. Sans l’OTAN, militairement l’Europe n’existe pas ; sans la garantie américaine, l’Europe doit se préparer au retour des troupes russes à Berlin. Surtout, l’Europe exporte plus qu’elle n’importe vers les USA. En 2022, les échanges de biens et de services entre les États-Unis et l’Union européenne ont totalisé un montant estimé à 1300 milliards de dollars. Les exportations s’élevaient à 592 milliards de dollars et les importations à 723,3 milliards de dollars… Le calcul est vite fait et Trump le rappelle lors de chacune de ses conférences de presse.

La nouvelle administration américaine ne tolérera pas le prélèvement de dizaines de milliards sur les grands groupes technologiques US par une UE stagnante, pusillanime, en pleine dérive autoritaire et plus dépendante que jamais de la force américaine. Il faut être négationniste du réel comme un bureaucrate pour se figurer le contraire.

L’Europe doit se préparer au retour d’une expression libre et sans entrave.

Islamistes, écologistes et totalitaires de toutes chapelles se récrieront comme vampires au soleil ; les hommes (et femmes !) libres s’en réjouissent.