Une des questions essentielles, souvent occultée du côté francophone, des prochaines élections, c’est évidemment l’opportunité ou non d’une nouvelle réforme de l’Etat, et la portée de celle-ci.

Les Wallons et les Bruxellois font semblant de croire que ce n’est pas important. Pourtant, la Flandre ne pourra pas indéfiniment accepter de couvrir des dépenses qu’elle n’a pas voulues.

La Belgique a choisi, depuis longtemps, la voie du fédéralisme, qui est une manière moderne de gouverner, à un niveau plus proche des gens, et qui a été choisi par des pays parmi les plus prospères de la planète (Etats-Unis, Canada, Allemagne, Suisse). C’est une manière, sans doute insuffisante, d’appliquer le principe de « subsidiarité », pour éviter qu’un pouvoir absolu, au niveau national, dirige toutes les matières.

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Il est vrai que notre système est compliqué, parce qu’il a été négocié à partir d’un impôt d’un état fédéral, contrairement à l’hypothèse la plus fréquente où des Etats existant se sont fédérés. Tout résulte de compromis à la belge, conçus par des accords entre partis destinés à permettre à chacun de sauver la face, et qui ne sont pas le fruit d’une réflexion tendant vers plus d’efficacité. Le gouvernement De Croo a donné, des années durant, le spectacle de ces accords conclus in extremis pour « durer » jusqu’à la crise suivante, mais dont le contenu était rediscuté dès le lendemain.

On voit certains partis francophones, mais aussi quelques partis minoritaires du côté flamand (dont Groen, réputé en perte de vitesse), opter pour une petite dose de « refédéralisation » de certains secteurs. On cite souvent la santé, à cause de cette fable, diffusée à longueur de journées pendant la période de confinement, suivant laquelle il existe 7 ou 8 ministres compétents en la matière. La réalité est certes qu’à part un ministre fédéral Frank Vandenbroucke, malheureusement omnipotent et aux tendances tyranniques, de très petites parcelles de pouvoir sont aussi attribuées dans chaque région dans des domaines restreints.

Demander plus de pouvoir pour le fédéral est évidemment une réaction des minoritaires. Les francophones en général parce qu’ils le sont dans le pays, et les partis de gauche en Flandre, parce qu’ils le sont dans leur propre région mais ne le sont pas nécessairement dans l’ensemble du pays. Du coup, ils ont tendance à réclamer que le dernier mot appartienne au pouvoir fédéral, ce qui n’est pourtant pas le cas dans la plupart des Etats fédéraux. Dans le système belge, comme dans celui de la plupart de ces Etats, le dernier mot appartient, soit au fédéral, soit aux entités fédérées, suivant la matière dont il s’agit, et c’est très bien comme cela si l’on veut respecter l’essence du système fédéral. Pas vraiment un progrès, sauf, sur la voie de l’autoritarisme et de la servitude.

On l’a vu, lors des confinements ou des « comités de concertation », qui n’étaient pas faits pour cela, ont été utilisés par l’Etat fédéral pour imposer les vues autoritaires de Frank Vandenbroucke, ministre fédéral de la santé. Cela a valu à tout le monde, sans utilité démontrée, une espèce d’assignation à domicile et à ruiner économiquement le pays. 

On voit déjà comment les partis du nord et du sud vont s’écharper pour recueillir, à l’un ou l’autre niveau qui leur convient (le fédéral, le régional ou le communautaire) des bribes de « compétences »
(la plupart du temps, le mot est vraiment mal choisi …).
Le bon prétexte pour acquérir encore un peu plus de pouvoir pour leur parti et pour procéder un grand nombre de nominations de créatures de leurs partis respectifs.

La multiplication des élections

La situation est aggravée, en juin 2024, par la multiplication des élections au même moment. C’est en réalité une très mauvaise idée, dans un pays qui souffre déjà de la particratie, que de décider de la simultanéité des élections. Il y aura une tentation, pour les partis, de réaliser en même temps un marchandage portant sur tous les niveaux de pouvoir. Comme on le sait, ces marchandages ont pour défaut essentiel que la volonté des électeurs n’est encore respectée que d’habitude lors de la formation des coalitions, et que, les perdants finissent par gouverner. Plus il y a des postes à partager, plus on renforce cette tendance malencontreuse de nos politiciens.

Il serait de loin préférable que, comme en Allemagne, les diverses élections se passent à des moments différents, pour que chaque entité ait davantage de chances d’être gouvernée selon la volonté majoritaire de ses habitants. 

Il faut aussi se rendre compte que les majorités sont très différentes entre le nord et le sud du pays, qui veulent réellement des politiques distinctes. Renforcer le pouvoir fédéral, c’est en réalité l’obliger à conclure des tas de compromis opposés à la volonté d’au moins une des deux grandes régions. Le pire est que cela doit être réalité par une majorité fédérale nécessairement faible, puisque des partis extrémistes (Vlaams Belang, PTB) ont acquis une puissance considérable dans l’une ou l’autre des régions, et que la NVA est souvent isolée par la volonté des francophones. Les petits partis qui restent sont, comme le gouvernement actuel l’a montré, incapables de mener une politique suivie et ne respectent pas la volonté des électeurs d’au moins une région. 

Ne serait-il pas préférable de réaliser une dernière réforme de l’Etat, créant une situation de type authentiquement fédéral, où, enfin, chacun serait maître chez soi ? 

Et surtout, plutôt que de se battre pour obtenir des compétences, il serait sans doute préférable que les pouvoirs publics renoncent à exercer certains de ces pouvoirs. Ils le font en général très mal, et devraient les rendre à la population. L’éducation, la santé, la distribution postale, les communications téléphoniques, les chemins de fer, tout cela fonctionnerait beaucoup mieux si des entreprises privées s’en occupaient. Evidemment, cela ôterait un certain nombre de postes à partager entre les assistés des partis au pouvoir, mais contrairement à l’époque Gilkinet, les trains seront sans doute à l’heure.