Les discussions sur la nomination des dirigeants des institutions européennes sont en cours, dans le plus grand manque de transparence. Il s’agit de remplacer Charles Michel à la présidence du Conseil européen, Christine Lagarde à celle de la Banque centrale européenne et Ursula von der Leyen à celle de la Commission européenne. C’est ce dernier poste qui est le plus médiatisé, car dans le processus institutionnel de l’UE, si le législateur est le Conseil et le Parlement européen, le rôle principal revient à la Commission, qui est l’exécutif.

L’EMPREINTE DE GREENPEACE

La tête de la Commission sera nommée par consensus par le Conseil européen, mais devra être approuvée par le Parlement européen à la suite d’une audition du candidat. Malgré son impopularité, Mme von der Leyen s’est portée candidate et son parti, le Parti populaire européen (PPE) chrétien-démocrate, l’a élue par 400 voix contre 89, avec 10 votes blancs. Mais de nombreux électeurs du parti n’ont pas pris part au vote, car tout le monde n’apprécie pas son environnementalisme débridé, qui a donné libre cours à la mise en place de la politique climatique et énergétique de Greenpeace. En effet, l’activiste de Greenpeace, Diederik Samsom, qui a été chef de cabinet du socialiste Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission, a dirigé la politique verte de Ursula von der Leyen. Bien qu’il n’occupe plus de fonction officielle, cet écologiste dispose toujours d’un bureau dans le bâtiment Berlaymont, quelques étages en dessous de von der Leyen. 

Emmanuel Macron soutient Mme von der Leyen pour un second mandat. La présidente du Conseil italien, Giorgia Meloni, soutient aussi Mme von der Leyen parce que celle-ci s’est montrée conciliante concernant le déficit budgétaire de l’Italie et l’aide financière que l’UE a accordée à l’Italie. Quant à l’Allemagne, elle préfère garder un Allemand plutôt que n’importe qui d’autre, car elle contrôle ainsi ses propres intérêts. Il y a donc de fortes chances pour qu’Ursula von der Leyen soit reconduite, bien qu’elle soit détestée par une partie de la population.

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LE RETOUR DE SUPER MARIO

Le nom de Mario Draghi, ancien président de la Banque centrale européenne et ancien président du Conseil italien, économiste de renom connu pour ses compétences en matière de gestion des crises financières, circule pour remplacer la présidente actuelle de la Commission. Sa nomination pourrait être une réponse aux défis économiques et énergétiques actuels qui ont frappé l’UE ces dernières années. Draghi n’est pas resté indifférent à la hausse du coût de l’énergie, qui pèse lourdement sur l’ensemble de l’économie européenne, menaçant la compétitivité des entreprises et le pouvoir d’achat des citoyens.

Ursula von der Leyen a demandé à M. Draghi de rédiger un rapport sur la compétitivité de l’UE, qui devrait être publié après les élections du 9 juin. Il devrait y présenter une évaluation franche des faiblesses de l’UE. Le plan keynésien de M. Draghi proposerait de consacrer 500 milliards d’euros par an aux transitions environnementale et numérique. En fait, il serait habillé différemment, mais la politique serait la même : dépenser l’argent que nous n’avons pas dans une transition qui a montré son inutilité, son coût faramineux pour des résultats immédiatement annulés par le développement des pays BRICS+. Ces dix pays représentent respectivement 40 % et 50 % des réserves de pétrole et de gaz, et 35 % et 34 % de la consommation de pétrole et de gaz. De plus, ces dix pays émettent 50,3 % des émissions mondiales de CO2, ce qui leur donnera un poids important dans les futures négociations de la COP pour contrer l’UE de von der Leyen ou de Draghi, car ils ne s’embarrassent pas de la transition écologique.

LE DISCOURS DE LA HULPE

L’Italien Draghi - comme Emmanuel Macron - entend construire un État européen, qu’il considère comme le passage obligé pour valoriser les atouts dont disposent encore les États membres de l’UE. Ses amis politiques et financiers estiment que, puisqu’il a déjà sauvé l’UE lors de la crise financière, il pourrait être celui qui l’aidera à faire face aux crises actuelles. Cependant, les membres du parti de Mme von der Leyen en Europe du Nord ne sont pas très enthousiastes à l’idée de dépenser davantage d’argent public. Par contre, il n’est guère surprenant qu’au congrès socialiste de Rome, la secrétaire du Parti démocrate italien, Elly Schlein, a soutenu le plan de M. Draghi.

Pendant les présidences tournantes de l’UE, chaque pays organise des événements. Les 15 et 16 avril, la présidence belge a organisé une conférence à La Hulpe pour discuter de la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux. À cette occasion, M. Draghi a proposé un changement radical de la configuration de l’UE. Il a estimé que la réponse de l’UE aux changements en cours était limitée par son organisation et son processus de décision, conçu selon lui « pour le monde d’hier ». Il déplore que l’UE n’ait pas de stratégie pour protéger son industrie des concurrents du reste du monde qui ne sont pas confrontés à des coûts énergétiques et à des réglementations sans fin. Le banquier n’a pas hésité à dire que, sans une action stratégique et coordonnée, les industries quitteront l’UE. D’une certaine manière, il blâme les politiques de l’UE de ces dernières années, et donc aussi Ursula von der Leyen, sa rivale, pour autant qu’il ambitionne de devenir président de la Commission.

Une autre option serait que Draghi prenne la place de Charles Michel, mais pas pour parader comme Michel l’a fait pendant cinq ans, mais pour donner l’impulsion politique nécessaire à von der Leyen pour mettre en œuvre son plan. Avec sa réputation de gestionnaire de crise, que ce soit à la Commission ou au Conseil européen, la nomination de M. Draghi pourrait être considérée comme une réponse au besoin de leadership fort qui a fait défaut au cours des cinq dernières années.

FAITES-VOUS ENTENDRE : ALLEZ VOTER !

Ces discussions dans les coulisses du théâtre européen ne sont ni transparentes ni démocratiques. À quoi bon appeler près de 360 millions de personnes à voter aux élections européennes si les postes clés sont déjà sur le point d’être attribués ?

Ces élections sont cependant cruciales. Elles doivent déterminer la majorité qui siègera à Strasbourg (et à Bruxelles). Si la majorité actuelle se maintient (PPE, socialistes et macronistes avec le soutien des écologistes) les changements seront marginaux et on continuera à dilapider les subventions de toutes sortes pour creuser davantage le fossé entre l’économie de l’UE et celles de la Chine et des BRICS en général - et plus encore avec les États-Unis si d’aventure Donald Trump était élu en novembre.

Allons-nous prendre les mêmes personnes ou des personnes ressemblantes pour poursuivre la politique qui transforme les États souverains en succursales de Bruxelles-Strasbourg ? Ursula von der Leyen et Mario Draghi sont la garantie de la continuité vers toujours plus de contrôle sur la vie des entreprises et des citoyens. La Belgique francophone ne pourra pas changer cette situation, tant elle est à gauche. Ce qui comptera, c’est le résultat dans les autres pays.