Le surgissement de la N-VA sur la carte politique wallonne excite les esprits. Je ne le cache pas : j’ai de nombreux amis au MR — même si je n’ai jamais entretenu de rapports personnels avec la famille Michel. Ces amis sont inquiets. Ils savent que la N-VA, ce sont des gens sérieux, qui disposent de moyens financiers considérables (à l’échelle belge). Ils craignent qu’en privant le MR de quelques sièges, la N-VA ne facilite finalement la mise en place d’une coalition gauche-extrême gauche en Wallonie et au fédéral.

C’est une critique que l’on doit entendre. Mais il faut prendre un peu de hauteur. La situation de la Wallonie est calamiteuse. Ce qui permet au socialisme wallon de survivre, après 50 ans de soi-disant fédéralisme, est qu’année après année la facture est présentée au contribuable flamand. Six milliards : c’est le montant des transferts annuels de la Flandre vers la Wallonie. Le montant paraît modeste. Il est éléphantesque, par comparaison avec le budget wallon. Que cessent ces transferts, et la faillite wallonne — réelle, pas par métaphore — est immédiate. Si la Wallonie possédait les ressources politiques de se réformer, pour cesser de présenter la facture annuelle au contribuable flamand, ce serait fait depuis 1970. 

Dans ce grand jeu de dupes, le MR après le PRL n’a jamais été que l’accessoire du PS. Cela est d’autant plus vrai que l’effet Bouchez, qui était attendu, tarde pour le moins à se faire sentir. Sondage après sondage promettent au MR 20%, à Bruxelles comme en Wallonie. Bouchez visait les 30%. On en est loin. L’humilité s’impose. Toutes choses égales par ailleurs — c’est-à-dire sans le surgissement de la N-VA wallonne — on peut s’attendre au mieux à une reconduction de la majorité wallonne actuelle, avec ou sans les Engagés à la place de Ecolo, pour mener la même politique à la petite semaine qu’on mène en Wallonie depuis un demi-siècle, médiocre et clientéliste, dont le Flamand ‘trop bon, trop couillon’ payera encore et toujours la facture.

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Le MR n’apparaît pas actuellement comme une solution au problème wallon. L’arrivée d’un parti de droite sérieux et novateur pourrait donner un coup de fouet au débat politique wallon. Tout est mieux que la stagnation politique actuelle.

Du reste, ce n’est pas sur les terres du MR que la N-VA devrait chasser. C’est sur les terres du PTB. Aujourd’hui, le vote protestataire wallon s’exprime intégralement en faveur du PTB — même à droite — à défaut d’alternative. À ces électeurs de droite qui rejettent l’affreux système wallon qui exploite les actifs tout en les injuriant, une N-VA wallonne offrirait un exutoire bienvenu. Le PTB est l’adversaire de la N-VA wallonne, pas le MR. 

Pour quels résultats en sièges ?

Cela, pour le tableau général. Allons dans le détail des sièges. Au fédéral, la Chambre détermine tout. Or, il n’y a que 150 sièges à la Chambre, dont 62 francophones (Bruxelles compris) : les sièges sont chers. À moins d’un miracle électoral, je ne vois pas la N-VA glaner plus que quelques sièges wallons à la Chambre. Et quand j’écris ‘quelques’, je pense 2, ou 3. Alors bien sûr ces quelques sièges pourraient faire la différence, en rendant la N-VA incontournable au fédéral. Ce qui est probablement l’objectif premier de Bart De Wever. Rien à dire, la démarche est rationnelle.

Toutefois, c’est au niveau qui intéresse le moins Bart De Wever — le niveau wallon — que l’impact d’une N-VA wallonne pourrait être le plus fort. Il y a 75 sièges au Parlement wallon. En présentant des candidats sérieux sur un programme offensif, la N-VA pourrait impacter le résultat de façon profonde, massive et durable.

Ce qui changerait naturellement la dynamique du débat politique wallon. Disons-le : le débat politique wallon est probablement le plus médiocre d’Europe. Ce n’est pas tant l’infinie platitude, à de rares exceptions près, des médias wallons qui frappe, que l’absence totale de pluralisme. À l’exception de l’hebdomadaire PAN, il n’existe tout simplement aucun média de droite, du côté francophone, ce qui est à l’heure d’Internet une anomalie cosmique. Par le moyen d’une RTBF politisée jusqu’à la moëlle, le socialisme wallon a façonné un paysage médiatique à l’image de celui de Cuba et du Venezuela, même Poutine n’oserait pas. Là encore, le MR vocifère bien de temps à autre, mais essentiellement il suit le mouvement, docile et soumis. 

L’arrivée d’une droite décomplexée mais articulée — celle de Theo Francken, Sander Loones, Darya Safai — renverserait les pions de ce théâtre d’ombres épuisées. Elle redynamiserait le débat wallon en lui insufflant du pluralisme. Elle offrirait aux Wallons dégoutés par le dépérissement de leur région une alternative durable aux communistes haineux du PTB.

Bien sûr, ceci suppose que Bart de Wever soit sérieux. C’est-à-dire qu’il vise à implanter durablement un nouveau parti sur la carte électorale wallonne, et non jouer un ‘coup’ qui se limiterait aux élections fédérales de 2024.

Un scénario réaliste

De l’avis général, 2024 sera pour Bart De Wever l’année de vérité. Soit il engrangera des avancées sur le chemin de l’autonomie de la Flandre, soit il restera dans l’histoire comme un bon bourgmestre d’Anvers. La mise en place d’un gouvernement N-VA-Vlaams Belang au niveau flamand paraît probable, conforme à la volonté persistante de l’électeur flamand, et sans alternative sérieuse étant donné l’effondrement des partis qu’on qualifiait de traditionnels mais qui n’ont plus rien de traditionnels. L’idée serait de glaner suffisamment de sièges francophones pour rendre la N-VA également incontournable au niveau fédéral. Les derniers sondages indiquent que l’effroyable Vivaldi est sans majorité fédérale. Le passage désormais possible sinon probable du VLD sous le seuil d’éligibilité ne ferait que renforcer la tendance.

Toutefois, je le répète et ce sera ma conclusion : la N-VA ne deviendra crédible au niveau wallon qu’en offrant une alternative réelle au Wallon, donc en présentant également des listes pour le Parlement wallon, et s’inscrivant dans une démarche durable.

C’est tout le bien qu’on souhaite à la Wallonie — et à la Flandre.