En 2023, Fadila Maaroufi - ainsi que l'Observatoire des fondamentalismes à Bruxelles (OFB) qu'elle a cofondé - est assignée en justice pour avoir dénoncé la proximité idéologique avec l’islamisme de l’ancienne sénatrice et député bruxelloise écolo Farida Tahar et d’Ibrahim Ouassari Elkhattabi, fondateur de MolenGeek. Deux affaires symboles du climat d’omerta qui règne sur la question de l’entrisme. Et le jugement fait date. La lanceuse d’alerte gagne ces deux procédures. 

Des procédures-bâillon

Devant le tribunal de première instance de Bruxelles, les deux plaignants reprochent à Fadila Maaroufi d’avoir tenu « des propos diffamatoires qui porteraient atteinte à leur réputation ». Elle a notamment ciblé, sur X, Ibrahim Ouassari comme étant un « compagnon des frères ». Farida Tahar a été la cheffe de groupe d’Écolo au Parlement bruxellois et sénatrice pendant cinq ans. Si elle n’a pas été réélue en juin dernier, c’est uniquement en raison du revers électoral des écologistes. Sur le port du voile, elle a toujours défendu Mahinur Özdemir, la première député en Belgique et en Europe, en juin 2009, à prêter serment au parlement avec le foulard islamique, aujourd’hui, ministre turque au plus proche d’Erdoğan. Fadila Maaraoufi se questionne ici aussi, à juste titre, sur l’incontestable pénétration de l’idéologie islamisme dans la sphère politique en région bruxelloise.

Selon son avocat, maître Aymeric de Lamotte, les poursuites sont non fondées : « L’OFB et Fadila Maaroufi n’ont fait que relever ponctuellement, sur le réseau social une proximité idéologique entre, d’une part, Ibrahim Ouassari et Farida Tahar, et, d’autre part, l’islamisme et les Frères musulmans ». L’avocat, également membre du Collectif Justitia de l’Institut Thomas More, qualifie ces demandes en réparation pour préjudice moral de « procédures-bâillon » visant à « intimider et à faire taire ».

Le droit à une opinion

La justice donne raison par deux fois à Fadila Maaroufi. En janvier 2024, elle estime qu’elle était en droit de se questionner sur l’appartenance d’Ibrahim Ouassari à un courant islamiste car il existe « une base factuelle suffisante qui l’autorise à soutenir de tels propos ». Cette base consiste, par exemple, en « l’absence de condamnation des actes du Hamas par Ibrahim Ouassari ».
Dans un récent jugement, elle confirme, ce mois de novembre, que la lanceuse d’alerte était aussi en droit de s’interroger sous la forme d’opinions, sur une proximité idéologique entre Farida Tahar et les Frères musulmans. A nouveau, il existe une base factuelle suffisante.

Tout l’enjeu de ce jugement porte sur ce droit hérité des Lumières, le droit à la liberté de conscience - soit le droit d'un individu d'avoir le libre choix de son système de valeurs et des principes qui guident son existence et de pouvoir y adhérer publiquement - et non pas sur la véracité des propos tenus par Fadila Maaroufi. « Il est heureux et rassurant que la liberté d’expression ait été préférée par le tribunal. Il est fondamental qu’en démocratie les lanceurs d’alerte soient protégés. Qu’ils aient le droit de dénoncer les intolérances de leur époque sans être inquiétés », commente maître Aymeric de Lamotte.

Des menaces de mort répétées

La lanceuse d’alerte est cependant régulièrement inquiétée. Dans Doorbraak, elle déclare le 5 novembre dernier : « la semaine dernière, j’ai reçu des menaces de mort de la part d'islamistes via Facebook. Lorsque j’ai contacté la police, on m’a dit que pour déposer une plainte, je devrais attendre une semaine de plus pour obtenir un rendez-vous au commissariat. Un inspecteur de police est depuis en charge de mon dossier, mais la protection policière est hors de question pour l'instant ». Pourtant, le message reçu en arabe est clair :
« croyez-moi, vous paierez de votre sang votre soutien au génocide de Gaza ».

Fadila Maaroufi a déjà reçu moulte menaces de mort et c'est sur cette base qu'elle a été inscrite, en 2020, sur la liste des « hot spots » de la police fédérale. En cas d'urgence, cette liste permet aux personnes ayant déjà fait l'objet de menaces de bénéficier d'un accès direct et prioritaire aux services de police. A son grand étonnement, elle ne figure plus sur cette liste depuis 2021. Surréalisme à la belge : les agents qui l’ont reçues lui ont conseillé d'engager elle-même une protection privée.

Des convictions laïques primées

Boycottée par le « politiquement correct » pour vouloir dénoncer les ténèbres idéologiques qui nous menacent, Fadila Maaroufi n’en démord pourtant pas ! Elle additionne les actes de résistance en Belgistan. Et c’est, non pas notre pays, capitale de l’Europe, mais la communauté internationale qui récompense sa bravoure. En novembre 2023 le Comité Laïcité République décernait le Prix international de la Laïcité 2023 à la chargée de recherche au CNRS, la française Florence Bergeaud-Blackler, auteure de « Le Frérisme et ses réseaux, l’enquête ». Cette année, c’est la lanceuse d’alerte belgo-marocaine qui est mise à l’honneur, à Paris, pour sa lutte acharnée contre les extrémismes religieux. « Cette distinction n’est pas seulement un privilège mais elle est aussi un devoir, une invitation à poursuivre le combat pour la liberté. À toutes les âmes courageuses qui luttent contre la haine et l’obscurantisme, ce prix est aussi le vôtre », a-t-elle déclaré devant un parterre de politiques et gens de lettres. La laïcité n’est pas une opinion, c’est la liberté d’en avoir une. Et pourtant, silence radio en Belgique francophone. Aucun retentissement presse (sic !)