L'Alliance entre le MR et Ecolo à Uccle : La coalition inédite sera-t-elle reconduite… qu’en pensent Jonathan Biermann et Aleksandra Kokaj ?
Lors du dernier scrutin, l’alliance entre le Mouvement Réformateur (MR) et Ecolo à Uccle, une des communes les plus prisée de la région bruxelloise, avait constitué une surprise politique de taille. Ces deux partis étant historiquement aux antipodes sur plusieurs questions. Ce mariage forcé entre une droite libérale conservatrice et une écologie progressiste suscitait à la fois des espoirs et des interrogations. Revenons sur les raisons de cette alliance, les enjeux pour la commune et ses conséquences sur le paysage politique ucclois et régional.
Une Commune Clé ?
Uccle, commune résidentielle située au sud de Bruxelles, a longtemps été dominée par le MR. Fort de ses résultats électoraux, le parti libéral y a établi une solide assise politique. Historiquement, Uccle se caractérise par une population plutôt aisée, avec un électorat souvent conservateur traditionnellement libéral. Le MR a su capter cet électorat, en axant ses politiques locales sur la gestion financière rigoureuse, la sécurité et la défense des libertés.
De son côté, Ecolo, localement plus fort dans le centre de Bruxelles et dans les communes plus progressistes comme Ixelles ou Saint-Gilles, peinait à s’imposer dans cette commune de la périphérie bruxelloise. Cependant, face aux défis climatiques croissants, Ecolo a su séduire une partie de l’électorat urbain soucieux de l’environnement et des enjeux de mobilité, même dans des communes parmi les plus conservatrices.
Lisez votre journal numérique et accédez à tous nos articles réservés aux abonnés.
A PARTIR DE 6€/MOISSans engagement.
Abonnez-vousDéjà abonné ? Connectez-vous
Une alliance de circonstances
En ce sens, les élections communales de 2018 à Uccle avaient marqué un tournant. Si le MR est resté dominant avec Boris Dilliès à la tête de la commune, les scores obtenus par Ecolo, en constante progression, ont rendu incontournable une réflexion sur une éventuelle collaboration entre les deux partis. À la surprise générale, malgré des divergences idéologiques, une coalition entre le MR et Ecolo a donc vu le jour.
Ce rapprochement avait naturellement de quoi surprendre, tant les visions des deux partis sur des sujets centraux comme la fiscalité, l’économie ou encore la mobilité sont opposées. Alors que le MR prône une libéralisation accrue de l’économie, une réduction des impôts et une vision de la mobilité centrale sur l’automobile, Ecolo milite pour une fiscalité plus juste, une transition écologique et une mobilité plus douce, favorisant les transports en commun et les modes de déplacement alternatifs comme le vélo… ce n’était pas gagné !
Cependant, cette alliance repose bel et bien sur des compromis pragmatiques. Face à l’urgence climatique et aux pressions citoyennes pour une politique plus verte, le MR Ucclois a compris qu’il devait se montrer plus ouvert aux préoccupations environnementales. De son côté, Ecolo a perçu l’opportunité de peser dans les décisions locales, même en s’associant à une force politique éloignée de ses valeurs traditionnelles.
Des Jeux Stratégiques
La gestion de la coalition MR-Ecolo repose sur plusieurs axes-clés. La question de la mobilité, sujet sensible à Uccle, occupe une place centrale dans les débats. La commune est traversée par de nombreuses artères majeures, et la congestion routière est un problème chronique. Le compromis trouvé entre les deux partis consiste à développer les infrastructures pour les transports en commun et les pistes cyclables tout en préservant la fluidité du trafic automobile, une position difficile à concilier mais essentielle pour satisfaire les deux électeurs.
Un autre enjeu majeur est la gestion des espaces verts. Uccle, réputée pour ses parcs et ses zones vertes, doit faire face à la pression immobilière et à la densification urbaine. Ecolo a clairement imposé la préservation et l’extension des espaces naturels dans le programme commun, ce à quoi le MR a consenti, en veillant cependant à ne pas freiner le développement économique de la commune
Enfin, la question de la gouvernance locale et de la participation citoyenne constitue un terrain d’entente. Les deux partis se sont engagés à renforcer les mécanismes de consultation publique, un point sur lequel ils ont, semble-t-il, relativement bien fonctionné.
Bis repetita ?
Malgré les efforts pour montrer une façade unie, l’alliance MR-Ecolo reste fragile et suscite de nombreuses critiques. Certains électeurs du MR accusent leur parti de renoncer à ses principes au profit d’une politique verte trop contraignante. De l’autre côté, certains militants d’Ecolo redoutent que leur parti soit utilisé comme un alibi environnemental par le MR, sans que de réels changements ne soient retenus… la liste bigarrée du bourgmestre pour les prochaines élections va-t-elle convaincre ?
D’autant que cette alliance doit aussi composer avec l’opposition locale, notamment les socialistes du PS, ce qu’il reste des centristes de Défi et une dissidence affirmée dans le chef de Marc Cools, qui pointent du doigt les incohérences idéologiques de cette coalition. Ils estiment qu’un tel mariage de convenance ne peut naturellement pas déboucher sur une action politique cohérente à long terme.
Vers un nouveau modèle politique ?
Si cette coalition est plus ou moins parvenue jusqu’ici à surmonter les défis internes et à tenir ses engagements, elle pourrait en cas de seconde alliance représenter un nouveau modèle pour la politique locale en Belgique, où les alliances pragmatiques, au-delà des clivages idéologiques traditionnels, pourraient devenir plus fréquentes.
L’alliance entre le MR et Ecolo à Uccle fut une tentative audacieuse et forcée de réinventer la gouvernance locale face aux défis contemporains comme l’environnement et la mobilité. Si les compromis nécessaires à cette coalition sont susceptibles de décevoir un parti de leurs électeurs respectifs, ils représentent aussi une chance d’avancer sur des questions urgentes pour l’avenir de la commune.
Ce laboratoire politique local pourrait susciter de nouvelles vocations, il a en tout cas déjà permis quelques beaux rapprochements. Jonathan Biermann, échevin de l’Urbanisme, et Aleksandra Kokaj, Présidente du Conseil communal incarnent mieux que personne cette alliance, eux qui déploient des trésors d’imagination pour cacher une idylle sentimentale qui ne trompe personne… ou comment passer de manière friponne des accords pré-électoraux aux secrets d’alcôve !
V.C.