Par la volonté de Fatshi, le gouvernement congolais a pris des mesures tendant à augmenter le pouvoir d’achat. Le Chef de l’État en a le mérite. Mais, sur le terrain, où se situe le problème ? Et, surtout, en fin de course, comment se traduit in concreto la décision politique ? Où est la colonne vertébrale ?

Contrer la concurrence étrangère

La FEC (Fédération des Entreprises Congolaises) s’était plainte et demandait encore la protection de l’État par l’adoption de mesures visant la concurrence étrangère. Cette inclination privée à l’assistance publique est récurrente. Rappelons que c’était déjà la FEC qui était à l’origine de la législation censée régler la sous-traitance des entreprises mais qui, de facto, avait ouvert la voie à un système de prédation au détriment de l’investisseur étranger. Ne serait-il pas préférable, dans l’intérêt de tous, à commencer par les Congolais, que les entreprises locales assument enfin elles-mêmes leurs activités en développant leur propre production et satisfassent ainsi le marché ? Et n’est-il pas singulier que ces opérateurs commerciaux appellent ainsi à la rescousse l’État responsable de la multiplication des barrières (en clair, des barrages routiers où les transporteurs se font rançonner) ? Non, ce sont plutôt les voisins africains qui encourent le reproche; étant accusés de dumping économique. Du dumping économique de la part des États frontaliers ? En l’occurrence, il s’agit plutôt de concurrence déloyale commise via des manœuvres de transit sur le territoire de ceux-ci dont le point d’arrivée est le Congo de sorte que des produits y sont vendus moins chers que les prix du marché. 

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Un dumping gouffre

Selon Julien Paluku, le ministre du Commerce extérieur, ce dumping ferait perdre chaque année cinq milliards de dollars au pays. La RTNC (Radio-Télévision Nationale Congolaise) rapporte que « le ministre Julien Paluku a par ailleurs reconnu que la solution durable pour réduire cette dépendance réside dans le boostage de la production locale. C’est ainsi qu’il a annoncé des allègements fiscaux aux producteurs locaux, en plus de ceux accordés à certains produits importés dont la farine de maïs »; du dumping, en somme. Mais la production locale, n’est-ce pas ce qui concerne a priori la FEC ? À quoi bon s’en remettre à un État aux structures défaillantes ? La croissance de l’activité commerciale d’une entreprise implique d’autres initiatives que la revendication de moins de taxes. Et à propos de fiscalité, combien d’entreprises congolaises s’acquittent-elles effectivement du payement de l’impôt ? L’on aimerait voir ce secteur s’auto-développer par des investissements à terme et de véritables stratégies commerciales ou industrielles. Quant à l’action de l’État, le ministre du Commerce extérieur annonce une séance de travail autour de la première ministre Judith Suminwa ainsi que le ministre de l’Intérieur, le ministre de la Défense qui, il l’assure d’emblée, débouchera sur « de fortes mesures pour déloger les barrières inutiles ». C’est là que se situe la pire entrave au développement de l’économie congolaise.

Une calamité économique

La tâche sera ardue, d’où la participation, soulignons-le, des ministres de l’Intérieur et de la Défense, car les barrages en cause, où les rançonneurs se tiennent en embuscade, sont tenus par des policiers et des militaires prétendant prélever… des taxes. Des rançons ! Les commerçants ainsi détroussés n’ont d’autre alternative que de s’appauvrir eux-mêmes ou de répercuter leur perte à charge de leurs clients qui eux-mêmes se voient ainsi précarisés dans leur pouvoir d’achat déjà très réduit. Julien Paluku, le ministre du Commerce extérieur, dénonce une calamité économique d’ampleur nationale : « Le nombre de barrières sur nos routes est tout simplement hallucinant. Il est curieux de voir 15 barrières sur une route de 200 kilomètres, ça doit cesser ». La pauvreté n’est pas une fatalité. Au Congo, elle est pratiquement organisée. À défaut de chaîne de commandement effective, du sommet jusqu’au terrain, ce scandale perdurera au-delà des rodomontades ministérielles. Aujourd’hui et demain, tout comme hier, depuis soixante-quatre ans. Rien à voir avec le dumping économique de voisins. Le pays ne s’en sortira jamais tant que l’honnête homme y passera pour l’idiot du village. Fatshi, au secours !