Vital, mets de l’ordre dans ta Chambre !
N’en doutons pas, le Congo sera un jour un grand pays, un acteur majeur sur la scène internationale, mais le poids d’ancestrales mentalités obère encore son développement.
La quasi-absolue absence de civisme peut s’expliquer par des atavismes tribaux, des solidarités foncièrement étrangères à la conscience des impératifs de l’État ou d’autres communautés que la cellule de base, le village. Mais expliquer ne justifie rien. La réalité actuelle, c’est un pays dépourvu de conscience nationale où pratiquement toutes les ressources passent en d’autres mains que l’État ou la collectivité composée des Congolais. Alors, comment s’étonner de l’inconsistance d’assemblées législatives au point que, des mois durant, nul n’y a relevé la présence d’un intrus, un faux député ?
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Cet imposteur a pu siéger tant au sein de l’assemblée provinciale de Kinshasa, présidée par Levi Mbuta, qu’à l’Assemblée nationale, présidée par Vital Kamerhe Lwa Kanyiginyi Nkingi. Et le plus aberrant, c’est que le coupable, un dénommé Bongo Bosongu, se vantait publiquement, sur X et sur Facebook, de ses interventions parlementaires sans que quelqu’un fasse le rapprochement. Apathie collective totale. Il est allé jusqu’à donner des interviews à la Presse en tant que député, parfois même en se disant sénateur ; ce qui n’avait évidemment aucun sens à l’Assemblée nationale, mais cela n’a éveillé l’attention de personne. Les uns et les autres n’ont rien compris. Champion de cette incurie inouïe, le Président de l’Assemblée provinciale de Kinshasa l’a reçu, ès-qualité de député provincial, de sorte que ce personnage fantasque puisse lui présenter un partenariat afin de moderniser la capitale du pays. Hallucinant ! Une circonstance qui ne manque pas de sel, l’individu se disait prophète : reconnaissons-lui une vision plus aiguisée que tout ce petit monde léthargique.
Combien de lois a-t-il votées ? S’en trouve-t-il une dont l’adoption n’a été obtenue qu’à une voix près, la sienne en l’occurrence ? Nullité manifeste ! Autrement dit, au niveau suprême de souveraineté, c’est-à-dire sa propre Assemblée nationale, le Congo n’a pas assumé le contrôle effectif de l’élaboration de la Loi. Indépendance tcha tcha, elle se danse au rythme du Grand Kalle. Il fera beau le jour où les institutions fonctionneront autrement que comme des vaches à lait. Ne pas avoir repéré immédiatement un faux député, cela en dit long quant à l’étendue des dysfonctionnements, et pas uniquement en matière de sécurité.
Qui surveille le comptage des votes dans chacune des deux assemblées législatives impliquées ? Comment se fait-il qu’un siège ait pu être occupé plusieurs mois sans que son occupant vraiment élu ne s’en soit aperçu ni aucun autre de ses collègues ? Bref, que valent des mandataires publics si inconséquents qu’ils ignorent auprès de qui ils exercent leurs fonctions ? Cette question en induit une autre : les exercent-ils vraiment ? Vital Kamerhe Lwa Kanyiginyi Nkingi s’était récemment fait élire au perchoir de la Chambre des Députés en promettant d’en améliorer le crédit auprès de l’opinion publique : il aura rarement une si belle occasion d’assumer son engagement. Une Assemblée nationale qui, soit dit en passant, vient de pondre un budget pour 513 députés alors que la Constitution et la Loi n’en connaissent que 500. Indépendance tcha tcha… Revenons au pseudo-parlementaire, le pot aux roses a finalement été découvert au hasard d’une réunions de députés dans un hôtel de Kinshasa. Soulignons-le : par hasard ! Un instant de lucidité. Un miracle. Jusque-là, pour l’imposteur, c’était open bar. Le sénateur-député-prophète aurait même co-signé des accords (l’on saura tôt ou tard lesquels), et il prenait la parole officiellement en séance parlementaire ; ce qui lui a offert l’occasion d’y adopter une posture panafricaine en critiquant de façon virulente l’Occident, le refrain des années soixante. Oui, le Congo sera un jour un grand pays, mais quand ? Vital, mets de l’ordre dans ta Chambre !