Le 10ème Sommet Mondial du Halal vient de s’achever à Istanbul, avec la participation de plus de 500 entreprises exposantes et 110 pays participants pour 50.000 visiteurs. Le marché mondial du Halal atteint en 2024 une dimension record de plus de 5.000 milliards de dollars. En Europe, il progresse de 12% chaque année. C’est le segment de marché à la croissance la plus rapide ! Le « Halal way of life » est devenu la manne financière à conquérir et le consommateur Halal se décline au pluriel. Une véritable poule aux œufs d’or pour une tradition ciblée.
La jungle des étiquettes
La niche offre des perspectives colossales qui passionnent toute l’industrie agro-alimentaire et le segment bat ses propres records. Après les boucheries, les grandes enseignes et la restauration rapide exploitent le filon. Aux marques spécifiques (Isla Délice, Reghalal) se sont additionnées des marques grand public (Herta, Fleury-Michon, Labeyrie, Maggi, Kellogg’s, Nestlé, Haribo) et déjà plusieurs grands distributeurs, dont les groupes Carrefour et Colruyt. Sont proposés à la vente des boissons sans éthanol, des bonbons sans gélatine de porc et même des produits régionaux, tels que le sirop de Liège, produit à Aubel, qui porte le label « halal » de façon plutôt surprenante, les gaufres et les frites, fierté de notre patrimoine national (véridique !).
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Si l’alimentation constitue la majeure partie des revenus mondiaux, le « Halal way of life » englobe aussi des secteurs tels que les produits pharmaceutiques et cosmétiques, la finance islamique, les actifs bancaires islamiques, les assurances et le tourisme qui enregistrent sur ce segment un taux de croissance stratosphérique, avec une multiplication d’offres de services « halal disponibles ».
Un mélange de genres durable
Le développement de ce marché s’explique non seulement par la croissance démographique de la population musulmane, mais aussi par une demande de produits certifiés Halal parmi des consommateurs non-musulmans (sic !).
Rassemblant les données disponibles dans les 27 pays membres de l’UE, Pew Research Center estime à 25,8 millions les personnes de confession musulmane en Europe et à près 2 milliards dans le monde. Et selon les dernières extrapolations, ce nombre doublera d’ici 2050. A ce groupe-cible, il faut aussi ajouter de nouveaux acheteurs. Le « green halal » émerge comme une nouvelle tendance verte. Dans un souci de « traçabilité », les écolos, dans leur ignorance, pensent que manger halal est « plus sain et naturel » et plus « respectueux de l’environnement ». Normal que les acteurs du marché s’engouffrent dans la brèche.
Un marketing d’opportunités
Des plus récentes projections, ce marché n’en est qu’à un stade embryonnaire. Il devrait atteindre 20.000 milliards de dollars d’ici 2029, soit quadrupler dans les quatre prochaines années. Cette vague de consommation identitaire interroge : le « Halal » dans sa conception évolutive répond-t-il vraiment à une quelconque restriction religieuse ou est-il l’argument pilier d’un marketing ethnique d’opportunité ? La réponse est dans la question. Le concept, né dans les années 80, est le fruit de la rencontre entre l’islam et le capitalisme. Le rigorisme n’est pas musulman. Les textes religieux sont muets sur le sujet. C’est un fondamentalisme marchand. Le but est de fournir une marchandise contrôlée, pour gagner de nouveaux marchés, en contaminant du fameux label certifié un nombre incalculable de produits et de services.
Un marché de dupes
Le thème du Sommet Mondial de cette année, organisé avec le soutien de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) : « Le Halal, la porte d’entrée de l’économie mondiale ». Hormis la Turquie, l’Albanie est le seul État européen membre de l’OIC. Tout est dit. Des dangers qui nous guettent les rayons culinaires religieux de nos supermarchés sont vraiment les moindres. La norme Halal est un outil stratégique juteux. Sa pseudo légitimité religieuse produit de la mainmise économique, mais aussi géopolitique.
L’Europe est donc obligée de capitaliser sur l’essor de ce marché pour demeurer concurrentielle et souveraine. Nul prosélytisme systématique dans les motivations des entreprises, mais la simple logique économique qui pose que, là où il y a un besoin, il y a un marché. Ce faisant, elles se rendent complices d’une tradition inventée à dessein. Devenu filon économique, sans que l’on y prenne garde, le Halal est aussi un instrument de propagande qui contribue à accentuer le communautarisme. Nulle méthode barbare. Et pourtant, le dossier est confessionnel, l’abattage de précision et le cercle vicieux. Notre héritage culturel est soumis et la soumission est volontaire. Pour vendre, nous acceptons de nous perdre…