Les agriculteurs se plaignent de la concurrence déloyale des importations mondiales.
La Commission européenne est en train de faire la même chose avec le recyclage des plastiques,
mettant en péril une industrie qui est un modèle de développement durable.
Dans sa frénésie de tout réglementer, la Commission européenne a proposé de légiférer sur les emballages et les déchets d’emballages. Comme vous le savez, la grande majorité des emballages, de la tranche de jambon à la boisson énergisante, sont en plastique. Ces matériaux ne sont pas produits par des éoliennes ou des panneaux solaires photovoltaïques, mais par du pétrole. Mais pas n’importe quel pétrole, non, du pétrole raffiné transformé en monomère (une petite molécule) qui, dans une réaction chimique appelée polymérisation, transforme le monomère en grosses molécules appelées polymères, c’est-à-dire des matières plastiques. Mais ce n’est pas tout, car plusieurs autres molécules doivent être ajoutées pour que votre emballage présente toutes les caractéristiques nécessaires, de l’hygiène à la rigidité en passant par la couleur. Il y a donc de la valeur ajoutée dans les déchets plastiques.
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Une nouvelle industrie du recyclage
Tout cela confère à ce que l’on appelle les déchets une valeur commerciale. Cependant, tant que la collecte de ces déchets a un coût, il est inutile de penser à une quelconque valorisation. Si le public les collecte — par conviction écologique ou par contrainte réglementaire — ils deviennent une nouvelle matière première. Une industrie s’est créée pour transformer des objets qui étaient auparavant perdus (déchets). Il s’agit de l’industrie du recyclage des plastiques. La forme historique et encore largement dominante du recyclage est le recyclage mécanique. Nos « déchets » sont triés mécaniquement à l’aide d’une technologie intelligente qui reconnaît le type de polymère et les sépare par classe de plastiques. Ils sont ensuite déchiquetés, nettoyés et utilisés comme matière première pour produire de nouveaux objets en plastique. L’autre solution, plus récente et plus coûteuse, consiste à dépolymériser chimiquement le polymère. Naturellement, la grande industrie chimique, dont le métier est de dépolymériser les plastiques, souhaite s’engager dans cette voie.
L’industrie européenne du recyclage mécanique est devenue un leader mondial, permettant à l’UE d’être également le leader du recyclage. Cette industrie florissante est essentielle pour créer une « économie circulaire » qui recycle pour éviter la destruction des matières premières et la pollution causées par les décharges et, pire encore, leur dispersion dans la nature. Par exemple, le taux de matière recyclée dans un bouteille en PET (le plastique utilisé dans les bouteilles d’eau) est supérieure à 20%. Cette industrie, une des seule en Europe, à connaître un taux de croissance supérieure à 10% par an.
Une industrie en danger
En 2023, cette industrie a été sérieusement déstabilisée pour deux raisons. D’abord, la destruction organisée de la compétitivité de l’UE (voir mon récent livre « Énergies, mensonges d’État ») puisqu’à cause du Pacte vert, tout est devenu plus cher. L’industrie plastique a été si durement touchée que l’industrie chimique allemande se voit contrainte de quitter l’UE. Ensuite, dans le contexte de la mondialisation, l’augmentation des importations de plastiques recyclés dans l’UE crée un marché déséquilibré avec de graves conséquences pour l’environnement. Êtes-vous surpris par la désindustrialisation de l’UE ? Personne ne nous a forcés à détruire unilatéralement notre économie. C’est un choix souverain. Souverain, mais stupide.
L’UE débat actuellement de la révision du règlement sur les emballages et les déchets d’emballages. Le développement durable, ce n’est pas seulement la préservation de l’environnement, c’est aussi la préservation de l’économie, de la croissance et du bien-être social. Consciente que l’UE est en danger à cause du manque de compétitivité de son industrie, l’UE commence à réagir pour tenter de préserver l’industrie du recyclage des plastiques.
Une étude réalisée en 2023 indique qu’il y a urgence, car nous constatons déjà une diminution ou une absence d’investissement dans les systèmes de recyclage, ce qui entraînera une augmentation de l’incinération des déchets et, par conséquent, une perte de matières premières. Alors que les scénarios d’économie circulaire prévoient un taux de recyclage du PET de 67 %, celui-ci tombera entre 32 % et 38 % d’ici 2040.
Encore la globalisation
Les lecteurs de PAN savent déjà que le désarmement énergétique unilatéral de l’UE a entraîné une perte de compétitivité par rapport au reste du monde, qui veut prospérer en exploitant une énergie abondante et bon marché. Nous avons vu à quel point les agriculteurs se plaignent des mesures réglementaires qui leur sont imposées, alors que les produits importés ne sont pas soumis aux mêmes contraintes. Le reste du monde veut de la croissance, non pas sauver la planète.
L’industrie du recyclage est confrontée au même problème. La Commission exige que le plastique recyclé importé soit considéré comme faisant partie de « notre marché du recyclage ». Cela signifie que les déchets provenant, par exemple, de Chine peuvent entrer dans l’UE et concurrencer l’industrie européenne du recyclage. Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que, comme pour les textiles, les panneaux solaires photovoltaïques et autres véhicules électriques, nous allons tuer l’industrie du recyclage qui contribuait à l’économie circulaire. C’est facile à comprendre, non ?
Pourtant, les institutions européennes sont actuellement engagées dans un débat houleux sur le sujet. Dans ce que l’on appelle le trilogue, les trois principales institutions sont à couteaux tirés. Le trilogue consiste à trouver un compromis entre le législateur européen — le Conseil de l’Union et le Parlement européen — lorsqu’il y a divergence de vues sur le texte final à adopter. Sauf dans ce cas, le législateur a accepté de ne pas considérer les déchets importés comme faisant partie du marché européen. Mais le dogme de la Commission la pousse à considérer les déchets plastiques chinois, par exemple, comme produits sur le marché européen. On croit rêver ! À trois mois des élections européennes, la Commission ne semble pas avoir pris la mesure du mécontentement des citoyens. Pour la Commission, l’essentiel est d’ouvrir le marché. Et Ursula von der Leyen n’est pas en mesure de mettre fin à ce sabordage. Mais elle a le courage de se représenter à la présidence de la Commission.
La Commission s’y opposant, le trilogue est bloqué. Le législateur peut décider de passer outre l’avis de la Commission à condition qu’il y ait unanimité. Il suffirait d’un État membre convaincu que la mondialisation prime sur l’avenir de l’industrie européenne du recyclage, et demain votre bouteille d’eau portera la mention « contiens du plastique recyclé » en omettant de préciser qu’il s’agit de déchets chinois. Espérons que la Belgique ne sera pas l’idiot utile qui aidera la Commission à détruire encore plus notre compétitivité.