Depuis le samedi 16 novembre, Boualem Sansal (75 ans) dort en prison. Son crime ? Dénoncer le fondamentalisme religieux et l’autoritarisme du pouvoir politique algérien. Pourquoi n’a-t-il pas été inquiété plus tôt ? Pourquoi cette arrestation maintenant ? Si pour Alger, un « signal fort » est diplomatiquement envoyé à Paris, l’écrivain franco-algérien cristallise surtout des enjeux idéologiques. Sansal est honni depuis longtemps par les islamistes et le régime. L’occasion faisait le larron.

Un lobby anti-algérien et sioniste

Les nouvelles arrivent au compte-gouttes. Après plusieurs jours de silence, l’agence Algérie Presse Service (APS) confirme dans un communiqué l’arrestation de l’écrivain et étrille la France. Paris serait gangréné par un lobby anti-algérien. « L’agitation comique d’une partie de la classe politique et intellectuelle française sur le cas de Boualem Sansal est une preuve supplémentaire de l’existence d’un courant haineux contre l’Algérie. Un lobby qui ne rate pas une occasion pour remettre en cause la souveraineté algérienne (…) un bottin anti-algérien et accessoirement pro- sioniste (…) qui s’offusque de l’arrestation de Sansal à l’aéroport d’Alger, mais qui n’a toujours pas déclaré au monde si la France a la souveraineté nécessaire de pouvoir arrêter Benyamin Netanyahou, si jamais il se pointait à l’aéroport Charles De Gaulle (…) La France n’en est pas à une contradiction près ». Fin de citation.

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L’avantage donné au Maroc

Une adresse faite à Emmanuel Macron qui marque la fin d’une courte lune de miel entamée lors d’une visite à Alger en août 2022, avec une volonté affichée de part et d’autre de refermer la plaie béante de litiges anciens. Mais, pensés anciens seulement. Dans une allocution solennelle prononcée en octobre dernier à Rabbat, le président français a exprimé « un soutien clair à la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental ». Une victoire diplomatique pour le roi Mohammed VI sur cette ancienne colonie espagnole, mais un revers pour le président algérien Abdelmadjid Tebboune. Alger soutient la rébellion du Front Polisario, le mouvement indépendantiste armé qui réclame depuis 1973 son autodétermination. Né en Algérie, d’un père d’origine marocaine et naturalisé français en 2024, Boualem Sansal devient une cible symbolique.

Une ligne rouge franchie

Selon le quotidien algérien El Watan, Boualem Sansal aurait « dépassé le seuil de l’acceptable » dans une récente interview accordée au média français Frontières. Dans cet entretien, l’écrivain, récompensé par l’Académie française, a soutenu la version marocaine de l’Histoire, selon laquelle la France coloniale du XIXème siècle aurait amputé le royaume du Maroc d’une partie de ses territoires au profit de ce qui allait devenir l’Algérie quelques décennies plus tard. C’est, apparemment, la ligne qu’il ne fallait pas dépasser pour le gouvernement algérien, très sensible à la remise en question de ses frontières. Mais, à l’analyse, tout cela n’est que vernis et enrobage. L’écrivain est dans le viseur des autorités depuis longtemps, surtout en raison de sa critique systématique du pouvoir en place. Et pour cause !

Un silence complice

« L’Algérie est une dictature d’islamisme. Et je me suis mis à écrire comme on enfile une tenue de combat », avait-il déclaré sur Arte en janvier dernier. Dans les termes utilisés par l’Agence de presse algérienne, on y retrouve le style de tout régime dictatorial. Boualem Sansal y est qualifié de « pseudo-intellectuel », de « négationniste » et de « pantin inutile ». Au-delà du contexte géopolitique, ce qui lui est véritablement reproché, c’est d’alerter, depuis plus de vingt ans, sur la montée dangereuse de l’islamisme, ses ravages dans les pays arabes et ses dommages collatéraux en Occident. La répression pour un soupir d’agacement, la perpétuité pour un texto est la recette du régime algérien pour asphyxier son pays et faire taire les voix dissidentes. Sans oublier les « pétro » et « gazo » dollars, carburants de la haine, pour que le reste du monde ferme les yeux, faisant de nous des complices.

Le prix de la liberté

L’islam radical infiltre nos institutions comme la société civile. Par clientélisme, les islamo-gauchistes nous imposent quotidiennement cette idéologie mortifère. L’Europe ne veut cependant pas toucher ni aux Frères musulmans ni aux salafistes, fers de lance de ces terroristes qui nous font taire par la peur. Et pourtant, pactiser avec eux, c’est nous trahir. L’arrestation arbitraire de Boualem Sansal interroge notre propre détermination à lutter contre l’extrémisme, parce qu’il n’y a pas de paix, ni de tranquillité à attendre des ennemis de la liberté. Et quand on fait le choix de la séduction électorale, le reniement qu’induit cette soumission ne peut être qu’une lâcheté !

« Si tu parles tu meurs, si tu ne parles pas tu meurs. Alors parle et meurs ». L’écrivain avait choisi. Et pour cause : « L’islamisme est incompatible avec la démocratie. Sous deux lois, l’entrisme l’emportera toujours. Par des systèmes de conquête, il s’adapte et s’implante pour occuper tous les volumes qui s’offrent à lui », disait-il. Cette dimension dépasse le cadre d’un conflit franco-algérien. L’arrestation de Boualem Sansal est plus qu’un « irritant de plus » dans une relation tendue entre deux Etats. Cet homme, quelles que soient ses idées et affirmations dont on peut débattre, symbolise la volonté algérienne de guillotiner nos principes démocratiques. Il faut « faire exemple » !

Boualem Sansal est susceptible d’être poursuivi pour « atteinte à l’intégrité nationale » comme le stipule le code pénal algérien. La peine maximale prévue dans ce cas est la peine de mort, même si en raison du moratoire pratiqué de fait par l’Algérie, cette peine est systématiquement commuée en réclusion criminelle à perpétuité. Son avocat français, François Zimeray, appelle à un « procès équitable ». On peut rêver ! Le lanceur d’alerte sera fort probablement réduit au silence lors d’un simulacre de procès expéditif. Et quand le brouhaha mainstream se sera tu, sans leçons tirées, il ne lui restera, dans le tombereau de sa geôle, que sa liberté de penser pour réchauffer sa longue nuit…