Emblème d’un monde extrêmement bipolaire au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le Mur de Berlin est une page de l’Histoire à lui tout seul. Sa chute, le 9 novembre 1989, est élevée au rang de symbole européen : l’effondrement du communisme. Qu’en est-il 35 ans plus tard ? 

Des blocs se dressent

Pour stopper la fuite de la main-d’œuvre de l’Est vers l’Ouest, le 12 août 1961, la République démocratique allemande (RDA), dont l’économie s’effondre, décide d’ériger une enceinte fortifiée sur la ligne qui sépare, à Berlin, leur zone sous occupation soviétique, des zones sous la responsabilité des alliés. Des ouvriers, encadrés par des policiers, dépavent à la hâte les accès routiers et dressent des barbelés. Dans les jours qui suivent, les autorités est-allemandes parachèvent le travail en murant les fenêtres et les portes des constructions situées sur la ligne de démarcation. Les médias de l’Ouest, stupéfaits, baptisent la frontière dressée « Berliner Mauer » (le mur de la honte), un mur de 3,6 mètres de haut, flanqué de 300 miradors, qui court sur 160 km. 

Le Bloc s’effrite

Pendant presque trente ans, les Allemands de l’Est n’auront de cesse de tenter de franchir le Mur au péril de leur vie. Par chance, la fin des années 1980 est marquée, en URSS et dans plusieurs Etats de l’Europe de l’Est, par un vent de changement qui donne l’impulsion finale. Dans la nuit du 9 au 10 novembre 1989, devant les caméras du monde entier, de jeunes Allemands de l’Est et de l’Ouest brisent le « Berliner Mauer », prenant de court les dirigeants des deux bords. Présent à Berlin, le violoncelliste virtuose Mstislav Rostropovitch, qui avait dû s’exiler à l’Ouest, vient encourager les démolisseurs en jouant sur les gravats. La photographie de ce moment capturé deviendra l’un des symboles de la chute du bloc communiste en Europe.

Un tournant, vraiment ?

La vague d’émotion, relayée par toutes les télévisions du monde, s’étend bien au-delà de l’opinion publique allemande, si bien que la chute du Mur est gravée dans l’histoire du communisme comme étant « die Wende » (le tournant). Il n’a pourtant jamais vraiment quitté la scène politique. Trente-cinq ans après la réunification, la carte du vote allemand à l’issue des récentes élections européennes montre à quel point les différences de comportements électoraux persistent entre l’Est et l’Ouest. Fragmentation politique et polarisation, la gauche radicale progresse. Comme pour Alternative pour l’Allemagne (AfD), son principal vivier électoral est l’ancienne Allemagne de l’Est communiste.

B, comme Berlin ou Bis repetita ?

En France, autre contexte, même technique. Comme les Allemands, à l’issue du premier tour des Législatives Anticipées, les Français ont le choix entre la peste et le choléra. Depuis les scènes de liesse qui se jouèrent à Berlin, en 1989, il paraît pourtant presque incongru que la chute du Mur n’ait pas pris une place plus importante dans la mémoire politique collective. Le fascisme de gauche comme de droite puise dans une frustration économique et sociale, sur fond de crises plurielles.

« Osez Joséphine », le tube d’Alain Bashung, sortira en 1991. Les coulisses de son écriture nous apprennent que l’idée d’une chanson hymne à la liberté lui serrait venue devant son poste de télévision, en visionnant la chute du mur de Berlin en direct. Le prénom de Joséphine fut choisi en hommage à la sœur de son père qui vivait enfin libre, dans la campagne alsacienne des années d’après-guerre. Face à la situation clivante de l’entre-deux tours français, on aurait bien envie de suggérer à nos chers voisins : « osez, Marianne » ! Vous éviterez de vous prendre le mur …