
Pour une taille de pales donnée, la puissance récupérable par une éolienne dépend du cube (puissance 3) de la vitesse du vent. Et 2 au cube, cela fait 8. Malheureusement, cela n’est pas toujours réversible car les puissances nominales prises en compte pour dimensionner les éoliennes ne peuvent pas être dépassées, sous peine de graves dysfonctionnements mécaniques et/ou électriques. Et donc, hélas, en sens inverse, deux fois plus de vent n’égale pas nécessairement toujours deux fois plus de puissance car il existe une limite physique : celle de la puissance installée.
Entre la vitesse d'enclenchement et la vitesse nominale du vent (celle où la puissance maximale de l’éolienne est atteinte), la puissance de sortie sera proportionnelle au cube de la vitesse du vent. Dans les deux sens ; en plus ou en moins. Mais cette relation cubique s’estompe pourtant à une certaine valeur de la vitesse du vent. En effet, une fois que la puissance de dimensionnement est atteinte, elle devra rester quasi constante, même si la vitesse du vent augmente encore, ceci pour garantir l’intégrité physique de l’éolienne et la sécurité. Cela apparaît clairement sur les courbes de puissance des éoliennes, comme illustré ici. Par rapport à la vitesse de vent nominale (celle qui correspond à la puissance installée), deux fois moins de vent égale huit fois moins de puissance ; et par rapport à cette même vitesse nominale du vent, deux fois plus de vent égale la même puissance. Cela semble paradoxal mais c’est une réalité.
D’autre part, le ralentissement de l'air par un aérogénérateur éolien est tel qu'il faut espacer suffisamment les éoliennes afin que les basses couches atmosphériques reconstituent leur énergie cinétique, après l’avoir cédée aux pales, et pour que la turbulence aérodynamique générée par une éolienne ne perturbe pas trop sa voisine. Comme il faut donc un espace minimum entre éoliennes, cela en fait l’un des modes de production d’électricité avec la pire empreinte au sol pour une puissance donnée. C’est donc spectaculaire dans le paysage. Vous avez dit « préservation de l’environnement » ?
Les puissances effectives moyennées sur une année entière restent et resteront désespérément basses par rapport à leur valeur nominale, (sensiblement dans un rapport de 1 à 5), même si certains se sont esbaudis il y a quelques semaines parce que le vent et le soleil ont, pour une fois, été suffisants pour couvrir, très temporairement (quelques heures), la consommation électrique belge ; c’était un jour férié ensoleillé et venteux, durant lequel la consommation d’électricité était faible : une majorité d’entre nous s’adonnait à des activités récréatives en plein air, peu gourmandes en électricité ; l’industrie tournait aussi au ralenti. Les 364 autres jours de l’année, heureusement que l’on peut compter sur autre chose que du vent et du soleil…
Laisse béton
La problématique des fondations en béton, nécessaires pour résister aux efforts statiques et dynamiques engendrés par les aérogénérateurs éoliens est peu souvent évoquée. Voici quelques ordres de grandeur chiffrés. Une éolienne constituée d’un mât de 80 mètres de hauteur et d’un rotor de 80 mètres de diamètre atteint une masse d’environ 250 tonnes. Pour un tel aérogénérateur développant environ 2 MW, l’excavation nécessaire sera de 20 mètres de diamètre, sur une profondeur de 3 mètres. Une fois coulée dans le sol, la masse de béton s’élèvera à environ 600 tonnes. Ces chiffres s’entendent par éolienne ; dans le cas d’un champ qui en comporte plusieurs, ils sont à multiplier par le nombre d’éoliennes. Une fois les éoliennes démantelées (durée de vie estimée : 15 à 20 ans), ces « bunkers » devront aussi être démantelés. Vous avez dit « restauration de la nature » ?
Jouer son approvisionnement énergétique à la roulette
D’autre part, l’imprévisibilité du vent est telle que les ingénieurs du secteur éolien utilisent une loi de distribution statistique, dite distribution de Weibull. Celle-ci permet d’estimer le potentiel éolien d'un site. Elle modélise la probabilité qu'un vent souffle à une vitesse donnée en un endroit donné. Ne serait-il pas hautement irresponsable de soumettre – pour une part de plus en plus large, – notre approvisionnement en électricité à une estimation de probabilité ? Heureusement, chaque MégaWatt d’éolien installé est en pratique quasi doublé (« back-up ») par son équivalent en technologie non probabiliste ni aléatoire, à savoir des centrales au gaz naturel la plupart du temps. Ceci afin de garantir la sécurité d’approvisionnement en électricité lorsque le vent souffle peu ou pas du tout. Les directives européennes en matière d’énergie (que les états membres ont l’obligation de transcrire en droit national), imposent aux producteurs d’électricité de transmettre en priorité sur le réseau l’électricité d’origine éolienne et photovoltaïque. La tarification de l’électricité doit aussi s’aligner sur le prix de production de la dernière centrale mise en route pour couvrir la demande, soit presque toujours dans la pratique, les centrales au gaz, vu l’intermittence et la variabilité extrêmes de l’éolien ; du photovoltaïque également.
Les énergies intermittentes provoquent des instabilités électriques
Il reste important de souligner que la faible inertie des sources d’énergie intermittentes engendre des instabilités électriques dans le réseau de distribution, qui n’avait pas été conçu au départ pour se voir greffer autant de sources de production, de manière aussi disparate et aux puissances effectives de production aussi faibles, variables et imprévisibles. Ces instabilités sont à l’origine de variations de tension (valeur nominale : 230 Volt en courant monophasé) et de fréquence (valeur nominale : 50 Hertz ou 50 périodes sinusoïdales par seconde), ce qui perturbe les applications sensibles à la constance de ces valeurs. (Notamment certains matériels électriques dans les hôpitaux.) Cependant, le réseau peut être techniquement adapté à ces instabilités mais cette adaptation a un prix, qui se répercute directement sur le poste « transport et distribution de l’électricité » de nos factures. Au stade actuel, notre réseau électrique n’est tout simplement pas encore compatible avec les énergies variables et intermittentes, vendues au public comme vertes et vertueuses alors qu’elles sont largement en dehors du prix du marché.
Impayable électricité verte
Il n’est donc pas difficile de comprendre que plus il y aura de sources d’énergie « verte » dans le parc de production d’électricité, plus élevées seront nos factures. Certains privilégiés acceptent néanmoins de payer leur électricité à des prix de sots parce qu’ils sont convaincus de faire « une bonne action pour la planète ». Serait-ce vivre sur une autre planète que la leur que de souligner ceci : pour la majorité de la population, et en particulier pour les plus fragiles économiquement, la note est désormais devenue impayable. Ou pour employer la rhétorique bobo bio écolo : cela n’est plus soutenable et cela n’est plus durable ! Boucler la fin du mois est certes moins ambitieux et fait moins rêver que prétendre à la neutralité « carbone ». Il y a pourtant des familles qui doivent désormais choisir entre payer les honoraires du médecin ou honorer la facture d’énergie. En Europe. En Belgique. En 2023. Alors même que les principes fondateurs de l’UE reposaient en grande partie sur la mise à disposition des citoyens et des entreprises d’une énergie abondante et bon marché…
Maudites pannes
Dans un récent papier paru dans ces colonnes, Samuel Furfari rapportait avec justesse les déboires boursiers de Siemens Gamesa, la branche éolienne du géant international d’origine allemande. La faute en incombe à de récurrents problèmes de fiabilité sur le long terme. Les attelages de pales, les alternateurs électriques, leurs boîtes de vitesse et tous les accessoires y afférents sont en effet exposés en continu aux intempéries. En environnement maritime, c’est encore bien pire à cause du caractère hautement corrosif de l’air marin, chargé d’embruns salés. Certains l’ont semble-t-il gravement sous-estimé…
Et aussi maudites pales
Nous avons évoqué plus haut les déchets de béton à éliminer lors du démantèlement d’une éolienne. Le recyclage des pales pose des problèmes tout aussi cruciaux. Elles sont constituées généralement de matériaux composites (fibres de verre ou de carbone et résines polyester ou époxy). Ces matériaux ne sont pas biodégradables. Des procédés de traitement et de récupération existent mais ils restent souvent économiquement irréalistes. On fait quoi ? Certains ont essayé d’enterrer le problème ! Et des pales furent ainsi enfouies dans le sol, avant que, fort heureusement, l’on interdise cette pratique.
Gare aux mines
Pour leur fabrication, les éoliennes nécessitent notamment du cuivre et du néodyme. Cela conduit à un pillage géologique majeur et à une dépendance géopolitique économiquement suicidaire pour l’UE. Sans parler de l’impact sanitaire et social sur les pays où a lieu l’extraction.
Et gare aux urnes
Il semble hautement probable que les excès en matière de dogmatisme vert de la part de la Commission von der Leyen/Timmermans conduisent à une brutale sanction électorale lors de la prochaine échéance de juin 2024. Néanmoins, le risque reste grand que les plus déçus et les plus frustrés ne votent aux extrêmes. Extrêmes ambidextres d’ailleurs. Les écolos pur jus bio de pastèque (fruit vert à l’extérieur et rouge à l’intérieur) en ont-ils pris la juste mesure ? Errare humanum est, sed perseverare diabolicum.
Michel Pollyn,
ingénieur électromécanicien, master post-universitaire en sciences de l’énergie