Mais abordons ce nouvel ouvrage. Tout commença par un voyage. Acheté en poche à l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle, l’auteur s’était plongé dans la lecture des Noyers de l'Altenburg d'André Malraux au cours d’un vol de la compagnie aérienne afghane le conduisant à Kaboul. Il rejoignait l'Afghanistan dans ses nouvelles fonctions de chef de la mission diplomatique française. En cet automne 2005, la guerre contre les talebân faisait rage. Les passagers étaient en grand nombre des sous-traitants privés des forces de la coalition internationale. Le jour se levait sur les montagnes de l'Hindou Kouch. Quelques traînées vertes marquaient les vallées dans un paysage minéral. Les pages du roman l'entraînaient vers le désert et ses seigneurs, les villes couleurs d'ossuaire, les steppes bleuies par la lavande. Et voilà que Malraux lui-même s'invitait dans ce vaisseau fantôme. Le virus afghan l’avait frappé. Il lui restait encore à fouler cette terre de légende, celle qui appelle les farfelus », selon la phrase boussole des Antimémoires. À bord de cet avion filant vers Kaboul, dans le ciel bleu des miniatures, l'échéance était proche. Bienvenue au club.

La quatrième de couverture révèle ce qui suit : La curiosité intellectuelle d’André Malraux a toujours été aimantée par l’Afghanistan et ses abords. Mais pour ardente et consacrée qu’elle soit par la « beauté suprême » du Gandhâra, la relation de Malraux avec l’Afghanistan est encombrée de fausses pistes, d’outrances et d’occasions manquées, comme s’il avait eu des comptes à régler avec ce pays qu’il qualifia de « fantomatique et absurde».

La richesse de l’index et l’impressionnante bibliographie tant sur Malraux que sur sa femme Clara, complétée de sources incroyables sur l’Afghanistan conduiront le lecteur vers une découverte littéraire aux fondements les plus fouillés.

Se glisser dans les pas de Malraux, c’est découvrir quelques pans méconnus de l’Histoire par le plus commun des mortels. C’est aussi s’imprégner de culture, de découvertes, de voyages, de senteurs, de lumières. Tout jeune, Malraux était déjà un lecteur boulimique, doté d’une mémoire hors du commun. Il se gave de connaissances. Les pages et les illustrations seront ses premiers voyages. Il arpentait les quais de la Seine, les librairies et les bouquinistes autant pour l’esprit que pour les affaires.

Tout commença en 1920. André Malraux épouse Clara Goldschmidt, d’un an son aînée. Femme cultivée et volontaire, elle partage sa passion pour l’Orient, l’Indochine. Ses premiers romans asiatiques portent déjà cette marque de l’exaltation et de l’engagement dans une nature étouffante et carnivore. Il devient un romancier à succès. L’effervescence culturelle de la scène parisienne de l’entre-deux-guerres est considérable, entre le débat des idées, la violence des idéologies, la tentation des ruptures et l’émergence de nouvelles formes d’expression artistique et littéraire. Dans ces milieux intellectuels en ébullition, l’Afghanistan va bizarrement susciter une certaine curiosité. 

Ce livre s’attache à éclairer ce « mystère afghan » de Malraux en remontant le fil de sa vie : ses visites de jeunesse au musée Guimet, la préparation de l’équipée au temple de Banteay Srei, son voyage à Kaboul avec son épouse Clara à l’été 1930, ses initiatives de ministre chargé des Affaires culturelles.

« À Kaboul rêvait mon père » écrit Malraux dans les Antimémoires. C’est à ce voyage dans l’intime enfoui qu’invite cette traversée du siècle, confrontée aux tourments du monde. 

À Kaboul rêvait mon père – André Malraux en Afghanistan – Régis Koetschet – Éditions Nevicata – 2021 – ISBN 9782875231741