Jeune sénateur, je vouais une admiration sans bornes à Guy Verhofstadt. Je l’avais entraîné dans le combat pour faire aboutir la vérité sur la mort des dix paras belges et le génocide des Tutsis en 1994. Nous avions besoin d’une personnalité flamande de premier plan pour obtenir une commission d’enquête sur le Rwanda. Lors de celle-ci (1997), il était de loin le meilleur ; je me régalais et j’apprenais de chacune de ses interventions pointues, en avocat écrabouillant ambassadeurs qui n’avaient rien vu venir et ministres qui se foutaient du drame qui se nouait dans un lointain pays à moustiques.

Premier ministre grâce à la dioxine

En 1999, grâce à la crise de la dioxine qui évinça le CVP,  il devint sans s’y attendre le Premier ministre d’un gouvernement libéral/socialiste/écolo, dominé par les deux derniers. Le principal héritage de cette tripartite calamiteuse fut l’explosion de l’immigration à travers le regroupement familial facilité et le Belg/snel/wet, l’acquisition sans condition d’intégration de la nationalité belge.

Baby Thatcher devient Papa Onkelinx

Celui qu’on appelait dans les années 80 Baby Thatcher devint Papa Onkelinx, cédant sur presque tout ce que réclamait sa nouvelle protégée, la vice-première socialiste Laurette. La descente aux enfers du VLD commença peu après pour ne plus s’arrêter, passant de de 22 % à 7,9 % aujourd’hui selon le dernier sondage (*). Une série de présidents, dont aucun n’a marqué l’histoire, firent semblant de présider des élus de plus en plus progressistes. L’Open VLD se positionna toujours plus à gauche et devint woke sur les questions sociétales. Par exemple à Gand, la bourgmestre libérale permit que les employés trans reçoivent 20 jours de congé supplémentaires pour « réussir leur transition ». L’Open éclipsa le Vlaams. Un fossé se creusa entre les élus et les électeurs qui le quittèrent en masse pour rejoindre la N-VA, le véritable parti de la classe moyenne entrepreneuriale qui fait le succès de la Flandre.

Porte-parole de l’extrême-centre

Au parlement européen , Guy – prononcez rrrrhhhi – devint la caricature de l’élite européiste bien-pensante, ultra-privilégiée dans son petit monde déconnecté des sales réalités du vrai monde avec ces débiles électeurs - les équivalents européens des déplorables de Hillary Clinton - qui ne pigent rien aux grands enjeux de ce bas monde.  Brexit, Trump, pays de l’est : pour Guy, tous ceux qui votent mal ne sont plus des adversaires politiques légitimes mais des ennemis à abattre. Il s’impose comme le prototype de ce que Mathieu Bock-Côté qualifie dans son dernier livre (Le totalitarisme sans le goulag) d’extrême centre ... déclarant ouvertement la guerre aux ennemis de la société ouverte.  Dans l’hémicycle, ses interventions, disons emportées, suscitent souvent le malaise chez ceux qui ne sont pas béats devant cette Europe de fées, si géniale qu’on aurait presque envie qu’elle existe en vrai. Récemment, il a comparé Gaza à Guernica, sans que cela n’émeuve grand monde. Un autre ancien président du VLD, Egbert Lachaert s’est aussi distingué sur Gaza par ses connaissances géopolitiques, nous apprenant que « le Hamas avait presque disparu » (avant le 7 octobre) et que « les frappes sur Gaza, c’est comme balancer des bombes sur Molenbeek car des terroristes y ont grandi » ! Il fallait oser.

Où sont les personnalités ?

Le contraste des personnalités est aussi frappant. Qui sont les Willy Declercq, les Karel De Gucht et les Verhofstadt d’aujourd’hui ?  Le père Herman De Croo était un homme charmant et cultivé, excellent orateur, un politicien à l’ancienne, soignant sa clientèle électorale et ses réseaux. Chaque année, il envoyait à tous les parlementaires, une carte d’anniversaire ! Il aimait répéter que l’Europe représentait 10% de la population mondiale, 25% du PIB et 50% des dépenses sociales : trop is te veel !  Un libéral traditionnel, à l’ancienne, comme on les aime.

Le fils Alexander le falot, sans charisme, lisse, plus technocrate que politique, n’est pas appelé à conquérir le monde, ni même la Flandre. Et, malheureusement, le VLD a tout misé sur lui ! Rien d’étonnant qu’il soit plus populaire chez les francophones que chez les Flamands. A l’exception des lecteurs de Pan, les premiers aiment qu’on leur raconte des salades assaisonnées de bons sentiments et saupoudrées de phrases creuses ; les seconds sont moins dupes.

Gwendolyn Rutten et sa sucette

Le dernier épisode du mauvais vaudeville du très Open VLD nous a été joué récemment par une autre ancienne présidente du VLD, la teenager Gwendolyn Rutten.  Non retenue comme ministre fédérale après la démission de Vincent Van Quickenborne, elle pleure, boude et fugue de son parti.  Quelques jours plus tard, elle reçoit sa sucette de ministre (dans le gouvernement flamand) et tout est à nouveau rose dans le meilleur des mondes du VLD !   Etonnez-vous que le VLD chute encore et que le Vlaamse Belang progresse toujours.

(*) Ce sondage a été réalisé par l'institut Kantar via un sondage en ligne du 10 septembre au 9 octobre auprès de 436 électeurs habitants en Wallonie, 566 électeurs habitants en Flandre et 545 électeurs habitants à Bruxelles ayant le droit de vote aux élections nationales de 2024. Leur représentativité a été pondérée en fonction de la population belge selon l'âge, le niveau d'éducation, le statut professionnel et la province. La marge d'erreur maximale est 4,4% dans les trois régions.