Pour établir ses classements sur le commerce mondial des armes, l'institut basé en Suède privilégie des unités de valeur qui lui sont propres, plutôt que des dollars ou des euros. Difficile à chiffrer du fait de l'opacité de nombreux contrats, le commerce mondial d'armement dépasserait les 100 milliards de dollars annuels, selon les experts du Sipri. « L'invasion a vraiment provoqué une envolée significative de la demande d'armes en Europe, qui n'a pas encore montré sa pleine puissance et va selon toute vraisemblance mener à de nouvelles hausses d'importations », souligne à l'AFP Pieter D. Wezeman, coauteur du rapport annuel depuis plus de trois décennies.

Depuis ces trente dernières années, les États-Unis et la Russie dominent le classement des plus gros exportateurs d'armements au monde. L'écart entre les deux pays ne cesse néanmoins de se creuser. Entre 2013 et 2017, Washington représentait 33 % des exportations mondiales d'armes, et Moscou 22 %. La part étasunienne a augmenté sur la période 2018-2022 pour atteindre 40 %, tandis que celle de la Russie a dégringolé à 16 %. Cette tendance risque de s'exacerber dans les prochaines années : « Il est probable que l’invasion de l’Ukraine limitera davantage les exportations d'armes de la Russie qui accordera la priorité à l'approvisionnement de ses propres forces armées », affirme Pieter D. Wezeman. Le but : concentrer les efforts à renforcer sa force de frappe.

Des usines qui tournent à plein régime

Si Moscou a perdu deux de ses principaux destinataires, elle a en revanche augmenté ses exportations vers la Chine (+ 39 %) et l’Égypte (+ 44 %), désormais deuxième et troisième destinataires de la Russie, le premier pays étant l’Inde. La holding d'État Rostec, dirigée par Sergueï Viktorovitch Tchemezov, un homme d’affaire russe, ancien agent du KGB, compte plus d'un demi-million d'employés et plus de 800 entreprises, dont la plupart produisent pour l'armée. Les usines tournent à plein régime, souvent en quatre équipes. Et en même temps, comme l'ensemble de l'économie, les sanctions occidentales ont jusqu'à présent eu moins d'impact sur elle que prévu.

Cela n'est pas seulement dû au fait que les entreprises civiles locales, comme les groupes sidérurgiques de l'Oural, servent désormais plus qu'avant le secteur de l'armement, comme l’explique par voie de presse Natalia Subarewitsch, l'une des économistes les plus renommées de Russie. C'est également dû au fait que les sanctions sont contournées par des entrepreneurs ingénieux et des Etats prêts à coopérer, ce qui permet à la Russie d'obtenir les composants high-tech qu'elle ne peut pas produire elle-même.

Les importations de puces et de circuits intégrés pouvant être utilisés à des fins militaire ont même augmenté par rapport à 2021, et ce malgré les sanctions. Ces éléments entrent en Russie via des pays tiers comme la Turquie, les Émirats arabes unis et le Kazakhstan, affirme Bloomberg.

Une aide à l’Europe limitée côté ukrainien

En ce qui concerne plus particulièrement la guerre en Ukraine, cette dernière ne consomme qu'une fraction de ce que la Russie jette dans la bataille. Selon une analyse diffusée par le ministère estonien de la Défense et citée par la chaîne allemande ZDF, les obus d'artillerie ukrainiens sont évalué à auteur de 2.000 à 7.000 par jour. La Russie en consommerait dix fois plus, soit entre 20.000 et 60.000. L'Ukraine, qui réclame un million d'obus, souffre du manque de capacités de production à l'Ouest qui n'a pas de solution rapide. L'industrie européenne de la défense peut tout juste produire 20.000 à 25.000 obus, peut-on lire dans la circulaire estonienne.