Transgression des droits fondamentaux

Directeur général de Frontex depuis 2015, Fabrice Leggeri a été visé par un rapport accablant de l'OLAF, mais aussi par des accusations de refoulement illégaux de migrants (dits « pushbacks »),  réalisé par des fonctionnaires garde-côtes de Frontex, suite à une enquête menée pendant plus de 18 mois par Der Spiegel en collaboration avec Lighthouse Reports. Fabrice Lieggeri aurait maquillé ces renvois brutaux vers la Turquie, en mars 2020 et septembre 2021, en simples opérations de « prévention au départ », des accusations de complaisance envers les autorités grecques qu’il a toujours démenties. C’est ce qui ressort pourtant d’un fichier interne à Frontex, baptisée « JORA » (Joint Operations Reporting Application). Y sont consignées aussi bien les interceptions de migrants que les saisies de marchandises de contrebande et les interpellations de passeurs.

Copyright : Des réfugiés afghans sont secourus par les gardes-frontières turcs après un refoulement - AFP

Une démission forcée

En sept ans à la tête de Frontex, Fabrice Leggeri aura accompagné le renforcement de l'agence qui a été considérablement musclée et dont les effectifs doivent atteindre 10.000 garde-côtes et gardes-frontières d'ici 2027, mais cela ne suffira pas à le maintenir en place. « C'est une retraite forcée, Fabrice Leggeri s'est longtemps accroché à son poste », écrit Der Spiegel. Dans la lettre au président du conseil d'administration, dont le média a pu prendre connaissance, il demande aujourd’hui que sa démission soit acceptée. Assisté par son avocat, il a également plaidé sa cause ce jeudi contre le rapport accusateur de l'OLAF  (129 pages et des annexes de 700 pages) qui lui fait globalement trois reproches en termes de bonne gouvernance : ne pas avoir respecté les procédures internes, s'être démontré déloyal vis-à-vis de l'Union européenne et un mauvais management de ses équipes.

Au mois de janvier 2022, une perquisition avait été menée dans les locaux de l’agence européenne basée à Varsovie (Pologne). Au vu de la gravité des faits, le 31  mars dernier, les députés européens ont également suspendu la décharge des comptes de Frontex. Ils estiment que rien n'a été fait concernant les rapports faisant état de transgressions des droits fondamentaux en Grèce et que les opérations de renvoi de migrants par la Hongrie ont continué en 2020, malgré un arrêt de la Cour de justice de l'UE les jugeant incompatibles avec le droit européen.