« Dans un peu moins de 300 jours, les Européens se rendront aux urnes dans notre démocratie unique et remarquable. Comme dans toute élection, ce sera pour les citoyens le moment de réfléchir à l'état de notre Union et au travail accompli par ceux qui les représentent. Mais ce sera aussi le moment de décider quel avenir et quelle Europe ils souhaitent. Il y aura parmi eux des millions de primo-électeurs, dont les plus jeunes sont nés en 2008. Dans l'isoloir, ils réfléchiront à ce qui importe à leurs yeux. Ils réfléchiront à la guerre qui fait rage à nos frontières. Ou aux effets destructeurs du changement climatique. À la façon dont l'intelligence artificielle influencera leur vie. Ou à leurs chances de trouver un logement ou un emploi dans les années à venir », c’est ainsi qu’Ursula Von der Leyen a entamé sa prise de parole. S’il y a bien un seul point sur lequel l’ensemble de l’assemblée l’a rejoint, c’est bien dans la nécessité d’une réflexion utile face au bilan.

Un retour de la pauvreté

« Au moment où nous nous parlons, le Secours populaire annonce que 20% des français vivent à découvert. Dans toute l’Europe, une personne sur trois se prive d’un repas pour tenir. Des millions de foyers, d’artisans, d’entreprises, n’arrivent plus à payer leur énergie. Vous parlez de prospérité, mais malgré ce retour de la pauvreté, la Commission n’aura cessé de multiplier les contraintes sur ceux qui travaillent et produisent en Europe. La directive énergétique sur les bâtiments aggravera la crise du logement. La stratégie farm to fork fait baisser la production alimentaire. La taxonomie accélère le décrochage industriel. Vous avez longuement parlé d’électricité pour accélérer encore l’implantation d’éoliennes, mais toujours pas un mot sur le nucléaire, première source d’énergie décarbonée et accessible en Europe », assène François-Xavier Bellamy à la tribune.

Des contraintes anti-prospérité

Et de poursuivre : « Vous promettez de réduire les normes : elles n’auront pourtant cessé de s’empiler ces dernières années, jusqu’à ce projet dit “Restauration de la nature” que nous avons combattu. La multiplication des contraintes ne protège pas l’environnement, elle nous rend seulement dépendants des autres pays du monde qui n’assument pas les mêmes coûts. Nous ne sauverons pas la planète en achetant des voitures électriques en Chine; de même que nous ne sauverons pas la démocratie avec les Ukrainiens en achetant du gaz à la dictature azérie qui veut écraser les Arméniens. De même, nous ne relancerons pas notre économie en augmentant une “immigration qualifiée”, comme vous le dites, mais en qualifiant ces millions de jeunes qui sont encore aujourd’hui loin de l’emploi. La seule réponse à l’hiver démographique en Europe, c’est de soutenir les familles, non de déstabiliser plus encore nos pays ».

Un élargissement mortifère

Ursula Von Der Leyen annonce par ailleurs un ajout de 50 milliards d’euros pour entretenir la guerre en Ukraine et souhaite faire entrer de nouveaux pays dans l'Union européenne : Ukraine, Albanie, Macédoine du Nord et Moldavie. Or, dans ces pays, le salaire minimum oscille entre 40 et 250 euros/ mois. Sinistre farce ! Alors que les travailleurs européens peinent à joindre les deux bouts et que bon nombre d’entreprises se meurent, asphyxiées par les taxes carbones et autres mesures contraignantes, le risque d’une délocalisation massive pèse sur l’ « Europe sociale ». Sans compter que ces nouveaux entrants creuseront encore un peu plus les écarts dans une Union déjà à forte géométrie variable. 

Au deuxième trimestre 2023, la dette totale des pays de l'UE s'élève à 12.987.214 milliards d'euros, soit environ 29.000 euros par citoyen. Dans le peloton de tête : l’endettement de la Grèce à 194,50%, de l'Italie à 150,30%, du Portugal à 125,50% et de l'Espagne à 118,30%. Les dettes publiques sont aujourd'hui nettement plus élevées qu'avant la pandémie. Et avec la flambée des prix, les nécessaires dépenses pour la transition écologique et la guerre en Ukraine, tous les membres de l'UE seront obligés d'augmenter leurs dépenses. Ils devront recourir à de nouveaux emprunts à défaut d'augmenter de manière significative le poids des impôts.

Le concept d’élargissement crispe d’autant plus, dans ce contexte, que la croissance pour 2023 reste faible et que le coût de la dette commune européenne explose. Il faudra rembourser jusqu’à 42 milliards d’euros en intérêts - deux à trois fois plus que prévu - pour le plan de relance européen.

En résumé, Ursula Von der Leyen a prononcé un discours au parfum de lancement de campagne pour les européennes de 2024, très soigneusement calibré. Mais le plat ne passe pas (plus ?), ni pour le citoyen européen ni pour ses représentants. Et c'est là qu'il est intéressant de relire notre précédente parution : “Mauvais choix et incompétences notoires : Ces dérapages qui suivent Ursula von der Leyen depuis Berlin”.