
Cette année, les échanges portent sur le thème : « Rétablir la confiance et raviver la solidarité mondiale : accélérer l’action menée pour réaliser le Programme 2023 et ses objectifs de développement durable en faveur de la paix, de la prospérité, du progrès et de la durabilité pour tout le monde ». Rappelons que le Conseil de sécurité de l’ONU a pour compétence de maintenir la paix et la sécurité internationale. L’Assemblée générale s’occupe de la question des droits de l’homme et la Cour internationale de Justice de La Haye est la seule institution à régler les différends entre les États. Et puis, il y a ce que la population connaît le mieux : ce sont les opérations de maintien de la paix menées par les 76.000 Casques bleus (chiffre de février 2023) un peu partout dans le monde. Une très belle machine, mais pour quelle efficacité ?
Entre « nos mains », vraiment ?
« Unis, nous pouvons relever tous les défis », a déclaré le président Joe Biden dans son discours d’ouverture. « Avec un leadership concerté, les adversaires peuvent devenir des partenaires, des défis accablants peuvent être résolus et des blessures profondes peuvent guérir. Lorsque nous choisissons de rester unis, nous avons entre nos mains le pouvoir de courber l’arc de l’histoire (…) le pouvoir est entre nos mains ». Et pourtant, le président russe Vladimir Poutine, le président chinois Xi Jinping, le président français Emmanuel Macron et le Premier ministre britannique, Rishi Sunak, ne se sont pas présentés. En signe de « respect » pour l'Institution, dans son escalade nucléaire, l'Iran a quant à lui refusé, à la veille de l’Assemblée générale, l’accès de ses sites aux experts de l’ONU. L’Organisation a également été impuissante face à la Corée du Nord, qui ignore les résolutions et les sanctions du Conseil de sécurité et continue de développer son programme nucléaire. « La question que personne ne veut se poser en bilan est la suivante : Pourquoi ? », souligne le Wall Street Journal.
Une situation de blocage parmi d’autre
Pour la deuxième année consécutive, le débat annuel est aussi assombri par l’ombre de la guerre russo-ukrainienne. Dans un discours virulent, le président iranien Ebrahim Raïssi a accusé mardi les Etats-Unis de « jeter de l’huile sur le feu de la violence » dans le conflit en Ukraine, attaquée depuis le 24 février 2022 par la Russie, alliée de Téhéran. Lors de l'adoption de résolutions de l'Assemblée générale de l'ONU condamnant l'invasion russe, l'Iran s'est soit abstenu, soit n'a pas pris part au vote.
Une majorité non contraignante
Le 23 février 2023, l’Assemblée générale a pourtant exigé un retrait « immédiat » des troupes russes d’Ukraine, en votant à une majorité « écrasante » et « sous les applaudissements », une résolution appelant à une paix « juste et durable » en Ukraine. Un vote dont s’était réjoui le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell. « Le monde comprend de quel côté est la vérité ». Ah oui ?
C’est oublier un peu vite que l’Assemblée générale rend des décisions qui n’ont aucune portée contraignante. Ses résolutions sont purement solennelles. Quant au Conseil de sécurité, le véto de la Russie, avec le soutien de la Chine, bloque toute réponse internationale efficace. La seule contribution de l'ONU dans cette guerre a été, pour l’heure, de négocier avec la Turquie un accord autorisant les exportations de céréales depuis l'Ukraine. Le 22 juillet 2022, l'ONU, un corridor humanitaire maritime a été ouvert. Mais, en juillet 2023, la Russie a annoncé sa décision de mettre fin à l'initiative céréalière de la mer Noire.
Une organisation « grippée » ?
« Il y a plusieurs raisons à cela. D’abord, les États membres permanents du Conseil de sécurité (NDLR : les États-Unis, la Russie, la Chine, le Royaume-Uni et la France) ont un droit de veto sur toutes les décisions. Ils sont censés représenter les cinq États ayant le plus de poids dans le monde. Or, la France comme le Royaume-Uni n’ont plus leur place. Des pays comme l’Inde, le Brésil ou l’Allemagne revendiquent ce statut. L’autre problème c’est l’utilisation qui est faite du droit de veto. Régulièrement, on observe des situations de blocage. L’exemple le plus parlant est celui du conflit syrien », explique Guillaume Le Floch, professeur de droit international public à l’université de Rennes.
« Le multilatéralisme tel qu'il est pratiqué à l'ONU est de moins en moins pertinent à mesure que la Chine, la Russie, l'Iran et d'autres voyous affirment leur puissance. Les internationalistes libéraux de l'administration Biden ne peuvent renoncer à leur vision de groupes de nations se réunissant pour régler leurs différends dans la paix. Mais la vérité sur l'ordre mondial actuel se trouve dans les décombres de Bakhmut », pointe le Wall Street Journal.
L’heure est-elle venue d’être en aveu d’échec ? Si l’ONU n’existait pas, il faudrait voir dans quel état serait le monde, certes. Mais l’Organisation, essentiellement bureaucratique, n’a plus les moyens de ses ambitions. Le grand élan du multilatéralisme est derrière nous. Ce sont à présent les hommes d’État qui font de l’ONU ce qu’elle est aujourd’hui. Et en ce moment, marqué par l’isolationnisme de certains, les Etats-Unis en tête, ce n’est à l’évidence pas la période la plus propice de son histoire …