Du home staging tactique

C’est le constat que pose Sandrine Holin dans « Chères collaboratrices », paru aux éditions La Découverte (*). La jeune femme est diplômée de Science Po et a été active dans le secteur des affaires publiques et de la finance avant d'entamer le projet de recherche nourrissant cet essai. Faut-il se réjouir que, depuis quelques années, l’égalité femmes-hommes soit devenue le nouveau sujet à la mode dans le monde du travail ? Clairement non ! Pire, l’auteur met en garde contre l’hypocrisie ambiante. Pour faire un parallèle avec la valorisation immobilière, c’est du home staging, du lifting, rien de plus !

« Les multinationales comme les start-ups s'affichent en pionnières de cette lutte en proposant formations à l'empowerment destinées aux femmes, marketing reprenant slogans et symboles féministes, communication axée sur la conciliation entre vie professionnelle et vie privée, ou encore politiques dites de diversité... ». Le mouvement pour l’égalité des genres se mélange donc de plus en plus au néolibéralisme, qui mobilise le féminisme, afin de faire progresser des objectifs politiques et/ou d’accroître la valeur marchande d’une entreprise.  Pourquoi ? Par pur intérêt : « Les inégalités femmes/hommes seraient en effet responsables d'un manque à gagner abyssal pour l'économie et les entreprises. Il faut donc agir, et vite ! ». Face à la tentative de récupération, Sandrine Holin invite à « hacker l'algorithme ». Mais, il y a des réflexes bien ancrés. Dans la famille des syndromes sexistes, je demande… la Schtroumpfette !

Le syndrome de la Schtroumpfette 

Le syndrome de la Schtroumpfette désigne la tendance des œuvres de fiction à ne représenter qu’un unique personnage féminin face à de multiples protagonistes masculins. Ces derniers paraissent ainsi essentiels et toute la gloire leur revient, alors que les femmes sont quantité négligeable et servent, au mieux, à tomber amoureuses du héros. Mais entre la fiction et la réalité, la membrane est poreuse. Le syndrome de la Schtroumpfette est aussi le miroir des enjeux féministes qui traversent le monde du travail. Entre sexisme et sous-représentation, les hommes restent la norme aux postes à responsabilité et les femmes, une variation « acceptable » lorsqu’elles servent les causes de l’entreprise, tout en tuant les causes qui leur sont propres. 

C’est l’essayiste et critique américaine Katha Pollitt qui en parle pour la première fois en 1991, dans le New York Times. Elle emprunte cette image (Smurfette principle) pour décrire l’hypocrisie et l’inefficacité de la figure de la « femme d’exception ». Seule femme dans un monde masculin, la Schtroumpfette n’est vouée qu’à performer ou contre-performer son genre. Et ce, sans avoir jamais la possibilité d’exister autrement que comme « une femme qui dirige » et non comme une dirigeante. Ce principe de la « chère collaboratrice » qui emprunte aux lois du marché sa logique et son vocabulaire ne brise nullement le plafond de verre. Il l’alimente. 

(*) Source :

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