Avait-elle vraiment péché ? L’intéressée est l’opprobre de son village. Des vieilles hurlent. La jeune fille est tétanisée sous les injures, les malédictions et les grands coups et gifles. Une horde d’enfants piaillent, les chiens aboient, montrent les crocs. Un vieillard encore vif arriva enfin et ordonna d’une voix ferme à ces femmes de se calmer ; il crut comprendre ce qui s’était passé et décida d’aller chez le rabbin. Ils prirent la route du Temple.

« Ils me traînèrent sur le parvis.  Il y avait beaucoup plus de monde que les dix voisins descendus du village ; c’était une foule, une foule en colère, sûre d’elle-même et de ses droits. »

« Quand j’étais petite fille, je croyais que tous les enfants étaient frères et sœurs et que tous les adultes étaient oncles et tantes. »

L’auteur propose un autre regard sur la rencontre entre Jésus et cette femme poursuivie par la vindicte populaire. « Deux vieux rabbins me saisirent par les épaules et me firent tenir droite devant un homme qui, lui, restait assis ; ils lui parlèrent avec un étrange mélange de respect et d’ironie. Ils en appelèrent à Moïse et dirent soudainement que je devais être lapidée. C’était simple pour eux ; une tante avait déclaré nous avoir surpris, l’ami de mon mari et moi, en situation d’adultère. Ils demandèrent à ce maître, bien plus jeune qu’eux, s’il fallait observer ou non la Loi de Moïse. C’est alors que je remarquai avec horreur que cinq ou six de leur groupe avaient ramassé en chemin de lourdes pierres. Du doigt, l’homme dessinait ou écrivait dans la poussière, comme indifférent aux choses. Je tremblais. Qui donc est cet homme. Un Juge ?...et qui semblait indifférent à tout.

Mais il répondit de manière calme en suggérant d’une voix sereine que ceux qui étaient sans faute jettent les premières pierres.

Le silence revint aussitôt, lourd et pesant. »

La jeune fille entendit la parole du Maître. Ce qu’ils se dirent, fait partie du secret de la confidence.

Tout un parfum tant l’auteur fait le choix des mots, souligne leur sens profond. Le lecteur est sous le charme de la pensée, de l’interaction des êtres.

Il lui parla, le visage presque souriant…

L’homme effaça ses dessins dans le sable et se leva.

Cet homme m’avait sauvé la vie et je voulais lui dire ma gratitude. Oui, la reconnaissance est toujours une humilité, un agenouillement spontané du cœur.

Quand Jésus accepte tout naturellement les marques de respect et d’affection de cette femme, est-ce une forme de pardon ? C’est toute la réflexion que développe l’auteur.

André Querton se saisit de personnages bibliques qui ont croisé la vie du Christ et imagine quelles furent les circonstances et les suites de cette rencontre. Pour l’auteur, les récits évangéliques sont d'une actualité et d'un enseignement pertinents et permanents. Le pardon. L’importance de cette renonciation à punir une faute, à se venger d’une offense. Avoir de l’indulgence pour l’irréparable. Tout un programme, car rétrospectivement, la frontière entre le bien et le mal est ténue. Les contours flous ou mal connus. Et quand il est question de séduction, mieux vaut connaître les règles du jeu. C’est là tout le plaisir des histoires imaginées par le Maître pour faire comprendre plus facilement ce qu’il voulait dire aux hommes.

Comme les précédents ouvrages de l’auteur, « Parfum de vignes » a été écrit pour tenter de restituer l’essence de longs sermons, dépoussiérer les interprétations diverses ou même polémiques. 

L’enfant, l’homme est comme la vigne. La vigne comme eux, doit pousser, se fortifier, croître, mais elle doit être aidée, guidée, conduite par une main ferme et attentive. Tailler la vigne ? Oui, parce que laissée à elle-même, elle s’appauvrit en quelques saisons, en prospérant paradoxalement avec exubérance et folie jusqu’à s’épuiser et s’effondrer sous son propre poids, incapable de nourrir ses rameaux, ne produisant plus que des raisins minuscules. C’est sa vigueur qui la condamne et qu’il faut donc contraindre.

Parfum de vignes – André Querton – Éditions Mardaga – ISBN 9782804734312