En 1938, après neuf ans de service diplomatique en Belgique, Aristides de Sousa Mendes est nommé consul du Portugal à Bordeaux. Alors que les troupes allemandes envahissent la France, il brave sa hiérarchie et les ordres du dictateur António de Oliveira Salazar en délivrant des visas d’entrée au Portugal. Un geste héroïque qui permettra de sauver de nombreuses vies. Pour le 70ème anniversaire de sa disparition, The Foundation Aristides de Sousa Mendes (New York), la Fondation Aristides de Sousa Mendes, la Fondation Les Justes de Belgique, le Musée Juif de Belgique et le Consistoire central israélite de Belgique lui rendent un vibrant hommage sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Albert II (*) et avec le soutien de la vice-présidente du Parlement européen, Sophie Wilmès.
Lisez votre journal numérique et accédez à tous nos articles réservés aux abonnés.
A PARTIR DE 6€/MOISSans engagement.
Abonnez-vousDéjà abonné ? Connectez-vous
Un acte de bravoure unique
Dès le début du conflit, Salazar veut maintenir la neutralité du Portugal. Son gouvernement, par la circulaire 14 du 11 novembre 1939, exige l’autorisation préalable de Lisbonne pour la délivrance de visas : les sujets dont la citoyenneté est « indéfinie, contestée ou en litige » ne peuvent en obtenir. Lorsque la guerre éclate, Aristides de Sousa Mendes a 55 ans et est père de quatorze enfants, dont trois encore mineurs et cette directive ne lui plaît pas du tout. Sa famille et sa morale chrétienne lui servent alors de boussole : « à partir d’aujourd’hui, dans ma chancellerie, je vais obéir à ma conscience. Je n’ai pas le droit en tant que chrétien de laisser mourir ces femmes et ces hommes (…) Désormais, je donnerai des visas à tout le monde, il n’y a plus de nationalité, de race, de religion ». Commence alors le 6 Juin 1940,« la plus grande action de sauvetage menée par une seule personne pendant l’Holocauste », selon l’historien Yehuda Bauer. Trente mille personnes dont dix mille juifs, échappent à la barbarie nazie, grâce à Aristides de Sousa Mendes.
Un Juste parmi les nations
Pour avoir osé mettre ses valeurs morales au-dessus de ses obligations de fonctionnaire, son acte de désobéissance aura de lourdes conséquences sur sa vie. Le diplomate sera rappelé au Portugal et sanctionné par le gouvernement Salazar. Sa carrière diplomatique est finie. Privé de tout revenu et de sa pension de retraite, il mourra dans une pauvreté extrême en 1954. Ce n’est que dix ans plus tard, en 1966, qu’il sera reconnu « Juste parmi les Nations » par l’Etat d’Israël. La République portugaise le réhabilite seulement en 1986. Un musée lui est aujourd’hui dédié, à Cabañas de Viriato (Carrega do Sal) dans son village natal, pour son exemple puissant de courage et de compassion face à l’intolérance et à la persécution.
La Belgique peut mieux faire !
Dans le cadre de cet hommage, c’est le premier groupe de visiteurs accueilli par Sophie Wilmès depuis qu’elle est entrée en fonction au Parlement européen. « Le début de cette législature a été extrêmement chargé, mais je ne vois pas de façon plus significative de commencer mon travail ». Face à la résurgence de l’antisémitisme en Europe depuis le pogrom du 7 octobre 2023, « le devoir de mémoire de l’Holocauste n’a jamais été aussi pertinent qu’aujourd’hui. C’est notre responsabilité (…) Avec le temps, les témoignages vivants se font de plus en plus rares. Et quand on oublie, on a plus de chances de répéter les erreurs du passé ». À la suite des événements récents à Paris, Bruxelles, Amsterdam, « nous devons maintenant prendre des mesures plus énergiques, à la fois en matière de prévention et de poursuites ». En 2021, une stratégie européenne de lutte contre l’antisémitisme a été adoptée. En octobre dernier, la Commission a publié son premier rapport de suivi pour évaluer ce que les pays ont entrepris. « La Belgique est l’un des rares États membres de l’UE à ne pas l’avoir pleinement mise en œuvre, ce que j’ai récemment dénoncé (…). En tant que membre de la commission des libertés civiles et de la justice, je me battrai pour cela au cours de mon mandat ».
Aristides Sousa Mendes aurait pu se satisfaire de la dureté des circonstances pour ne pas agir, il a fait tout le contraire. Il aura sauvé des milliers de personnes d’origine juive auxquelles il aura évité le vécu qui reste à jamais dans l’ADN des survivants et de leurs descendants. Je représente le syndrome de la 2ème génération. Je m’adresse aux 3ème et 4ème générations. Vous êtes l’espoir d’un monde meilleur malgré le climat antisémite actuel.
La voix de la raison
(*) Le Roi Albert II (6 ans), son frère Baudouin (9 ans) et sa sœur Joséphine Charlotte (13 ans) ont tous trois bénéficié de visas Sousa Mendes pour rester en Espagne avant d’être rappelés en Belgique.