Mille ans d’inertie de la magistrature ?

Quelle est la différence entre la Justice congolaise et la Vierge Marie ? Des témoins rapportent l’apparition de l’Immaculée Mère de Jésus-Christ. Somme toute, celle-ci est moins improbable que de voir enfin un véritable secteur judiciaire apparaître au Congo. Au pays, la Justice est loin d’être immaculée et d’ailleurs nul n’y voit justice. 

L’actuel ministre éponyme vient d’organiser, à Kinshasa, les ÉTATS GÉNÉRAUX DE LA JUSTICE CONGOLAISE. Il fallait dresser le bilan de l’institution. Le mérite de l’avoir établi revient à Constant Mutamba. Il en ressort que le manque de moyens est secondaire au regard du problème fondamental, l’hallucinante médiocrité des hommes. En recruter davantage ne fera qu’ajouter de la médiocrité à cette médiocrité. Sans sélection sévère, il n’est pas raisonnable d’escompter de réelles avancées. Or, il n’y a pas de sélection sévère ni assez de révocations.

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Le réel judiciaire congolais traduit la vacuité du microcosme qui hante l’institution. Grâce à Constant Mutamba, l’on peut maintenant chiffrer le niveau : proche de zéro. Plus précisément 0,8%. Tel est le taux de réalisation de la PNRJ après sept années de sa mise en œuvre (Politique Nationale de Réforme de la Justice). Après la réforme = avant la réforme. Le lieutenant-général Janssens sourit outre-tombe ; songeant à ce qu’il avait souligné de même, en 1960 au sujet de l’indépendance. Mais, pour la première fois depuis soixante-quatre ans, le constat n’est plus masqué par la classique logorrhée lénifiante. Les ÉTATS GÉNÉRAUX DE LA JUSTICE CONGOLAISE ont pointé le réel. C’est un état d’esprit fondamentalement différent des prédécesseurs de ce ministre de la Justice. Le réel, au niveau affligeant de 0,8% après sept ans du PNRJ 2017-2026, cela donnera à peine 1% au terme de celui-ci. À ce rythme, un pour cent par décennie, il faudra mille ans pour réaliser ce seul plan de réforme. Ce bilan désastreux justifierait pleinement une purge drastique du microcosme judiciaire congolais. Les justiciables méritent mieux. Quant aux investisseurs, ils demeureront réticents tant que ce système parasitaire se maintiendra. Pas d’investisseurs, pas de développement. Mille ans ?

Triomphalisme verbeux 

Les rapporteurs desdits états généraux ont malheureusement sacrifié à l’inclination locale au triomphalisme verbal, verbeux plutôt, en déclarant que « Avec l’adoption de la PNRJ, la RDC a marqué un pas de géant sur le chemin de la réforme de la Justice ». Un pas de tout petit géant alors, à 0,8%. Un petit pas de nain, en fait. Même ce qu’ils ont classé parmi leurs « points forts » révèle l’incurie judiciaire : « trois textes juridiques sur les vingt-et-un prévus par la PNRJ promulgués ». 3/21, en sept ans, est-ce vraiment un triomphe, De surcroît, promulguer un texte ne signifie pas l’appliquer effectivement. C’est dire que le pays est très loin du niveau nécessaire. Un point d’arrivée qui ressemble furieusement au point de départ. 

Actuellement, il y a cinq magistrats pour vingt mille habitants ; la moyenne internationale étant du double pour une telle population. Si l’on décomptait les magistrats qu’il vaudrait mieux révoquer, à combien resteraient-ils ? La PNRJ 2017-2026 avait été lancée par Alexis Tambwe en absolue déconnexion du réel. À se demander s’il était vraiment ministre de la Justice à l’époque ou un visiteur extraterrestre, car il fanfaronnait : « la publication de la PNRJ donne le coup d’envoi d’un processus exaltant mais exigeant, celui de sa mise en œuvre et, à travers elle, de la requalification de la Justice congolaise ». Plouf ! Tout ce verbiage est tombé à l’eau. 

L’un des axes prioritaires du Président Tshisekedi est la réforme actuelle de la Justice. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’a pas hérité de grand-chose. L’institution reste moribonde tandis que les mœurs des magistrats et personnels de greffe n’inspirent pas un respect démesuré auprès des justiciables. Notoirement, Constant Mutamba a mission d’assainir le milieu. Et il se dit à Kinshasa que la magistrature se dit pérenne au contraire de tout ministre. Nous verrons qui l’emportera. Mais si Fatshi l’épaule par un soutien de béton, alors la face de la Justice pourra changer.