Les relations franco-algériennes traversent une crise diplomatique majeure, marquée par une série d’événements qui ont exacerbé les tensions entre les deux pays. Cette détérioration des rapports bilatéraux s’inscrit dans un contexte plus large de frictions récurrentes depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962.
De Sansal à TikTok : les étincelles d’une crise franco-algérienne
L’un des points de friction récents concerne l’arrestation de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, incarcéré en Algérie pour « atteinte à la sûreté de l’État ». Cette détention arbitraire a suscité de vives réactions unanimes, à l’exception de la frange mélenchoniste. La situation de Sansal, qui, à 75 ans, se trouve dans une unité de soins, est préoccupante.
Un autre incident a contribué à l’escalade des tensions : l’expulsion avortée d’un activiste franco-algérien connu sous le pseudonyme « Doualemn ». Il a été arrêté pour avoir publié une vidéo sur TikTok dans laquelle il appelait en arabe à « tuer » et « faire souffrir » un manifestant opposé au gouvernement d’Alger, ajoutant des commentaires antisémites. Lorsque les autorités françaises ont tenté de l’expulser vers l’Algérie ce 9 janvier, le pays a refusé de l’accueillir, le renvoyant immédiatement en France. Cet épisode a été perçu par les Français comme une « humiliation ».
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En réponse à ces événements, Paris envisage diverses mesures de rétorsion. L’accord franco-algérien de 1968, qui octroie notamment des « certificats de résidence pour Algériens » au lieu de cartes de séjour aux ressortissants algériens en France, est remis en question par certains responsables politiques français. Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, a notamment proposé de supprimer l’accord intergouvernemental franco-algérien de 2013 qui permet aux détenteurs de passeports diplomatiques algériens de se rendre en France sans visa, notamment pour se faire soigner.
Leurs relations sont tendues d’une part parce que la France a eu envers ses anciennes colonies africaines une attitude paternaliste (voir l’excellent livre de Leslie Varenne, « Emmanuel au Sahel ») et d’autre part parce que l’Algérie est une dictature.
Le Sahara occidental : un tournant géopolitique aux répercussions énergétiques
La crise diplomatique entre Paris et Alger s’est considérablement aggravée à la suite de la reconnaissance en juillet 2024 par la France de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, marquant un tournant dans la politique française au Maghreb. Ce territoire, ancienne colonie espagnole, est disputé depuis des décennies. Contrôlé à 80 % par le Maroc, il est revendiqué par le Front Polisario, soutenu par l’Algérie. La France a rejoint les États-Unis, l’Espagne, Israël, l’Allemagne et une trentaine de pays africains dans cette reconnaissance.
L’Italie n’a pas encore franchi le pas, car, à travers son entreprise ENI, elle a renforcé sa position en Algérie ces dernières années. L’Algérie est devenue le premier fournisseur de gaz de l’Italie, remplaçant la Russie, puisqu’elle bénéficie d’une connexion directe avec l’Algérie par le gazoduc TransMed. ENI a signé plusieurs accords avec le monopole étatique Sonatrach pour augmenter ses importations.
ENI investit massivement dans l’exploration et la production en Algérie, car ce pays possède d’énormes réserves de pétrole et de gaz conventionnels inexploitées. De plus, l’Algérie recèle les troisièmes réserves mondiales de gaz de schiste inutilisées. C’est d’ailleurs une constante de la géopolitique de l’énergie : l’abondance de réserves ne rend pas le pays prospère et sa jeunesse épanouie s’il n’y a pas démocratie et stabilité. On appelle cela « la malédiction du pétrole » dont l’emblème est le Venezuela.
La dictature algérienne n’a rien appris et elle continue de maintenir son mastodonte Sonatrach aux scandales de corruption récurrents.
Liberté de culte en péril : le cas des églises protestantes
Pire encore, l’ONG « Portes Ouvertes », dans son rapport annuel sur la persécution des chrétiens dans le monde, vient de révéler qu’une campagne systématique de fermeture des églises affiliées à l’Église protestante d’Algérie a été menée. Bien que cette organisation, qui regroupe les églises protestantes et évangéliques, soit officiellement reconnue par les autorités algériennes depuis 1974, sur les 46 églises qu’elle comptait, seules 4 demeurent ouvertes à ce jour.
Cette vague de fermetures s’inscrit dans un contexte de répression à l’encontre de la minorité chrétienne, menée de manière arbitraire et discriminatoire. La situation est particulièrement préoccupante pour les chrétiens d’origine musulmane, qui se trouvent confrontés à des accusations d’apostasie de l’islam. Ainsi, une vingtaine de chrétiens ont été condamnés à des peines de prison pour « prosélytisme » ou « participation à des cérémonies religieuses non autorisées », dont le pasteur Youssef Ourahmane, condamné en appel le 2 mai 2024 à un an de prison ferme. Les autorités algériennes ont également imposé la fermeture de l’organisation caritative catholique « Caritas Algérie ».
En 2020, trois rapporteurs spéciaux de l’ONU avaient déjà alerté le gouvernement algérien sur les conséquences graves de ces fermetures pour les droits de la minorité chrétienne protestante. Malgré ces appels, la situation n’a cessé de se dégrader, culminant avec la fermeture massive des églises en 2024.
Isoler cette dictature
Les défis auxquels le pays fait face ne peuvent être relevés que par une transition démocratique, seule à même de donner de l’espérance à ses citoyens, particulièrement à sa jeunesse. Quand les autorités algériennes admettront-elles que le statu quo n’est plus tenable ? Elles doivent avoir le courage de s’engager sur cette voie, non pas comme une concession à la France, mais comme un investissement dans l’avenir du pays. L’Algérie a tous les atouts pour devenir un acteur sur la scène internationale et un modèle de développement pour la région, mais cela ne sera possible qu’à travers une démocratie libérale, à commencer par la liberté de culte et d’entreprendre.
Si pendant trop longtemps l’UE a fermé les yeux sur cette dictature parce qu’elle avait besoin de son gaz et de son pétrole, à présent que la géopolitique de l’énergie a été révolutionnée et qu’il y a pléthore de réserves et de pays exportateurs — et pas seulement les États-Unis — l’UE n’a plus besoin de l’énergie algérienne. Il est temps de le faire savoir à Alger. Peut-être comprendront-ils enfin qu’ils doivent libérer le pays ; et pourquoi pas, rejoindre les Accords d’Abraham qui vont revenir à l’ordre du jour à la suite de l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche et la promesse de la reconstruction de Gaza.