Récemment à New York, dans un taxi, je demande au chauffeur né à Saint-Domingue s’il préfère une victoire de Biden ou de Trump en 2024. Il me fait une réponse plus intelligente et nuancée que ma question, à peu près en ces termes : ‘Trump est bon avec les chiffres. L’économie était meilleure avec Trump qu’avec Biden. Trump devrait apprendre à fermer sa grande bouche, et se concentrer sur l’économie.’ Et de conclure, dans un grand éclat de rire ‘Le reste, je m’en moque !’
Interrogeons-nous sur les contours probables d’une nouvelle présidence Biden ou Trump.
Biden 2024
La réélection de Joseph Robinette Biden signerait la probable poursuite de la guerre en Ukraine — particulièrement dans l’hypothèse où les Démocrates reprendraient la majorité à la Chambre (ce qui paraît possible, étant que le parti Républicain sélectionne de plus en plus de candidats radicaux qui peinent à séduire les électeurs indépendants). Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, Biden a fourni au régime ukrainien des tombereaux de matériel militaire, financement et ‘intelligence’ qui ont permis aux Ukrainiens de limiter les dégâts.
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En politique intérieure, on peut s’attendre à un recentrage de Biden 2024 par comparaison avec Biden 2020. En effet, le parti Démocrate vit actuellement un grand schisme (dont notre presse ne parle jamais) entre son aile modérée, majoritaire, et son aile d’extrême gauche. Les majoritaires sont pro-israéliens, tandis que les minoritaires sont farouchement anti-israéliens, quand ils ne relaient pas la propagande du Hamas. Ce schisme est insurmontable. On voit des personnalités telles le truculent (et géant) sénateur Démocrate John Fetterman, qui était considéré et se considérait lui-même comme ‘gauche radicale’ — c’est-à-dire progressiste, en parlance américaine — prendre congé de ses anciens amis, et se draper dans un drapeau israélien. Ces deux ailes ne sont pas réconciliables ; tant que durera le conflit au Proche-Orient, on verra l’aile extrémiste, minoritaire, s’éloigner du parti Démocrate, laissant Biden gouverner plus au centre.
Du reste, le bilan économique de Biden n’est pas mauvais. L’inflation consécutive à la crise COVID est maîtrisée, la croissance est remarquable par comparaison avec l’Europe, et la Bourse est au plus haut. De probables réduction du taux d’intérêt par la Federal Reserve devraient permettre à Biden 2024 de poursuivre dans cette voie.
Trump 2024
Trump, c’est à son actif, déteste les guerres. Il y voit un gâchis stupide de ressources, de la destruction de valeur. Il est donc probable qu’il mettrait à profit sa réélection pour transiger avec les Russes — passant au-dessus de la tête des Ukrainiens, qu’il méprise parce que leur guerre est payée par le contribuable américain. La situation de paralysie sur le front lui en offrirait l’opportunité, de même que les pertes massives subies par les Russes depuis deux ans. Les Ukrainiens n’auraient de toute façon rien à dire, vu que c’est Trump qui dans cette hypothèse détiendrait les cordons de la bourse. L’idée que les Européens se substitueraient aux Américains est risible : ils n’en ont pas les moyens financiers, ni militaires, tout épuisés qu’ils sont par leur stupide expérience ‘zéro carbone’ pour complaire aux fantasmes d’une certaine ‘élite’ made in UE.
Contrairement à ce qu’on lit souvent, il paraît improbable que Trump sortirait son pays de l’OTAN. Ce qui révulse Trump est que les Européens — à commencer par les Allemands et les Belges, tricheurs parmi les tricheurs — ne payent pas leur dû à l’OTAN, c’est-à-dire n’investissent pas deux pourcents de leur PIB par an dans leurs dépenses militaires. Ce qui paraît probable est que Trump menacerait de saborder l’OTAN, comme il le fit en 2017, si les Européens persistaient dans leur rôle de ‘passager clandestin’, ie faire financer leur défense par le contribuable du Kentucky et de la Californie. Vu que les Européens n’ont, en réalité, pas le choix, ils se dépêcheraient de payer.
Au Proche-Orient, Trump continuerait probablement la politique Biden de soutien à Israël ; s’il était tenté de la radicaliser, sans doute son entourage le ramènerait à plus de raison. Les Accords d’Abrahams, qui ont inscrit Israël et un grand nombre de pays arabes sur une trajectoire de paix dans la durée, seraient revitalisés. Sur l’Iran, en revanche, la rupture avec Biden serait nette ;
mais là encore, sans les cataclysmes nucléaires qu’on nous promettait déjà sous le premier Trump. Trump n’est pas un fauteur de guerre.
En politique intérieur, ‘Trump bon avec les chiffres’ reprendrait probablement en la radicalisant sa politique de dérégulation et de baisse des impôts, tout en laissant filer le déficit. Il faut souligner avec force que Trump, comme Biden, est un ardent creuseur du déficit public. Les taux iraient en diminuant, et la Bourse poursuivrait sa croissance et, pour reprendre les termes du génial financier Warren Buffett, ‘le meilleur pour l’Amérique reste à venir.’
Cygne noir
Ces scénarios sont légitimes. Mais ceci suppose l’absence d’un nouveau ‘cygne noir’ (Nassim Nicholas Taleb), dont l’envol signerait une nouvelle rupture dans le fil de l’histoire. Il y a les dangers connus : invasion de Taiwan, alliance militaire de plein exercice entre Russie et Chine. Mais il y a aussi les dangers qu’on ne connaît pas, et qui sont conceptuellement inconcevables avant leur réalisation. Qui pouvait présager du fait que Trump consacrerait la dernière année de son mandat au COVID ? Trump et Biden sont des vieillards :
ceci dit sans mépris, c’est un fait. Ils entrent dans une période qui verra la pression s’accroître : qui parierait sur le fait que dans près d’un an, ils seront tous deux en santé et condition, et même simplement vivants ?
C’est par ce motif, parmi d’autres — ennuis judiciaires de Trump et de la famille Biden, climat de violence, radicalisation d’une fraction de l’électorat, instrumentalisation politique de la justice — que je me risquerai à un dernier pronostic : la redite d’un duel Trump/Biden, en 2024, ne me semble pas le scénario le plus probable. Wait & see !