Ou à la recherche d’une invention ?

… Ce n’est pas médire outrageusement que de s’interroger à ce sujet, car la contribution du pays dans le domaine de la recherche et du développement est plutôt discrète à l’échelle mondiale.

Il y a bien eu l’inénarrable programme Troposphère de Jean-Patrice Kéka de Keka Aerospace, sympathique bricoleur prétendant se lancer à la conquête de l’espace. De son propre aveu, sa première fusée était de conception sommaire : « Elle était mal isolée et de l’eau de pluie s’est infiltrée et a touché le carburant ». Bricolage encore pour Troposphère 2 dont le fuselage était constitué de boites de lait en poudre. À se demander pourquoi l’Agence Spatiale Européenne nous coûte un pognon de dingue, comme dirait l’occupant de l’Élysée.

Pour Troposphère 3, uniquement des matériaux locaux, dont du sel de cuisine, sauf un élément : « c’est seule la caméra qui nous a couté cher » ; dixit ce fameux inventeur. L’engin aurait été propulsé à 1.500 mètres, mais personne ne s’est interrogé à propos de l’instrument de mesure qui aurait été utilisé. Un journaliste congolais emporté par son enthousiasme s’était hasardé à ce commentaire : « Cette aventure spatiale avait été essayée en vain par l’entreprise allemande OTRAG vers les années 1970 (…) Aujourd’hui, avec l’expertise locale, c’est chose faite ». La charité chrétienne interdit de divulguer le nom de l’auteur de cette nigauderie de niveau stratosphérique. 

Mais la surenchère d’illusions ne s’est pas arrêtée là : il y eut ensuite les lancements de Troposphère 4 puis 5. Passons sur les déboires successifs… L’essentiel était d’y croire au point que les échecs étaient vus comme des réussites. À l’époque Kabila, le lancement de Troposphère 5 a été effectué en présence d’Émile Bongeli, vice-premier ministre et Joseph Lititiyo Afata, ministre de la Recherche scientifique. Quoique la fusée n’ait même pas pris la trajectoire prévue (imaginons une telle gaffe à la Nasa ou au sein de l’Agence Spatiale Européenne), les deux ministres se sont félicités du succès au point que le premier a cru bon de déclarer ceci : « J’ai vu une boule de feu. Vous savez, c’est un petit pas que nous venons de réaliser mais c’est un grand pas en termes de recherche scientifique en République Démocratique du Congo ». Pour le bien du pays, mieux aurait valu qu’il se taise. La présence de représentants du gouvernement à cette farce était déjà humiliante pour les véritables scientifiques congolais.

L’approche Tshisékédi est nettement plus pragmatique ; ce qui, en soi, est une avancée majeure en ce qui concerne l’état d’esprit. Depuis deux ans, se tient le « Conclave du Génie Scientifique Congolais ». Qu’est-ce à dire ? Lors de la clôture de ce forum 2024, le Professeur Pius Mpiana Tshimankinda, a souligné qu’il « avait pour objectif principal d’identifier, sur le territoire national et au sein de la diaspora, les inventeurs et innovateurs congolais disposant de résultats de recherche utiles au développement du pays et à l’amélioration des conditions socio-économiques du peuple congolais ».
400 dossiers ont été présentés par des Congolais, de 10 à 83 ans. Les meilleurs ont été décorés en présence de Gilbert Kabanda Kurhenga, le nouveau ministre de la Recherche scientifique et innovation technique, un ancien militaire ayant été ministre de la Défense nationale. Il a la réputation d’être déterminé et actif ; nul ne le lui reprochera. Un acte à relever, car il est significatif : les lauréats de 2023 n’avaient pas vu la couleur des primes promises ; lui a veillé à ce qu’ils la reçoivent à cette occasion tout comme les lauréats de 2024. 

Malheureusement, au-delà de cette louable entreprise tendant à inventorier les talents, déclarer urbi et orbi à quel point le génie scientifique congolais est remarquable, et rêver d’un avenir florissant, l’on aurait aimé que cette grand-messe célèbre moins de miracles et s’intéresse mieux aux réalités. Le fait est qu’en dépit des congratulations, l’essentiel a été omis : la cérémonie de clôture n’a pas fait état des fameuses inventions à l’exception d’une seule, une paire de chaussures offerte en grande pompe (facile, oui, je sais) par l’inventeur à ce ministre. Qu’avaient-elles de si spécial en perspective de développement du pays et d’amélioration des conditions socio-économiques du peuple congolais ? Mystère.