La Conférence des Bâtonniers vise les Barreaux de Bruxelles et de Liège 

Le Chef de l’État n’en a pas fini d’observer à quel point les antivaleurs sont ancrées dans les mentalités. À une Justice corrompue s’ajoutent des Barreaux qui ne le sont pas moins, sans parler de multiples carences. Par exemple, à défaut de capacité financière, des centaines d’avocats congolais s’installent, clandestinement en quelque sorte, à Kinshasa sans s’y inscrire afin d’éviter le payement de leur cotisation professionnelle. Ils en sont réduits, pour économiser de cette façon trois ou quatre cents dollars par an, à se rattacher fictivement à des Barreaux en province eux-mêmes marqués par la paupérisation. Ni déontologie rigoureuse ni capacité de s’assumer matériellement, c’est accablant pour quiconque aspire à être crédible à l’international. Quel développement du pays escompter d’une telle
avocature ?

Il arrive aussi que la compétence professionnelle manque cruellement. Conscient de ce problème (rendons lui hommage car tout le mérite lui revient), l’Ordre des Avocats du Kongo-central a radié, en 2019, trente-quatre avocats pour «inaptitude professionnelle». Un esprit chagrin relèvera que cette inaptitude professionnelle n’avait pas empêché auparavant l’inscription de ces derniers. Autre exemple, en 2020, il a fallu que le Conseil d’État suspende deux décisions du Conseil National de l’Ordre des avocats relatives aux élections des bâtonniers. Interpellant, non ? 

Au registre des anomalies, la Conférence des Bâtonniers se situe dans l’arbitraire par une décision récente. Sans publication officielle de celle-ci, une incongruité en soi, il reste à se référer aux communications orales. Il en ressort que des avocats déjà inscrits au Tableau de l’Ordre au terme du processus complet validé par l’Ordre national, se trouvent pratiquement radiés d’office par mesure de rétorsion envers des Ordres étrangers. Aux yeux du doyen national, ceux-ci tarderaient à admettre ses exigences quant à des échanges internationaux avec les Barreaux congolais. C’est hautement farfelu: les radiations en bloc sont internationalement inadmissibles au regard des règles déontologiques des Barreaux crédibles; a fortiori sans avoir entendu au préalable les avocats concernés. Cette initiative ne va pas favoriser l’ouverture du pays au monde. Allo, Fatshi, tes appels à l’État de droit, ces avocats-là s’en moquent. Et fondamentalement, les Ordres étrangers tardent-ils ou attendent-ils la mise à niveau ? Faudra-t-il que le Conseil d’État annule cette nouvelle anomalie ?

Des avocats étrangers sont ainsi pris en otage, entre autres un Camerounais, pas uniquement des avocats occidentaux. Néanmoins, dans le viseur, en particulier, il s’agit de l’Ordre français des Avocats du Barreau de Bruxelles et du Barreau de Liège à qui il est reproché de ne pas admettre que des avocats congolais puissent s’adresser pour s’y inscrire et exercer en Europe ou au moins se prévaloir du titre ainsi obtenu par une procédure simplifiée, l’inscription complémentaire. Pourquoi ? Parce que ces deux Ordres avaient conclu des accords de jumelage qui s’inscrivaient en perspective d’accords ultérieurs encadrant les inscriptions d’avocats congolais en Belgique. Près de dix ans plus tard pour Liège et davantage encore pour Bruxelles, aucun mécanisme organisé. Les Ordres congolais s’impatientent, ce que l’on aurait pu comprendre s’ils n’avaient pas, par leur violation manifeste des règles déontologiques, démontré à quel point ils se situent encore très loin du niveau professionnel requis. L’on verra aussi comment réagiront les Barreaux africains dont des membres sont, eux aussi, privés d’inscription en RDC, victimes collatérales. Plutôt qu’en arriver là, mieux aurait valu un dialogue tendant, de part et d’autre, à conditionner les inscriptions complémentaires à des gages de sérieux et de solvabilité. Il serait insensé de nier l’existence d’avocats congolais aptes à répondre à de telles exigences déontologiques. Que les portes s’ouvrent pour eux, et se ferment pour les autres. C’est aussi par l’échange d’expériences internationales concrètes que la Justice congolaise pourra graduellement se dégager du cloaque des antivaleurs dont le pays souffre tant.