L’affaire fait grand bruit. Peut-être un peu trop pour être honnête. Comme s’il fallait absolument repasser au fer rouge les plis de toute une profession au pays des grandes robes. Ainsi donc un avocat général gantois a transmis les questions d’une épreuve de l’examen d’accès à la magistrature au rejeton stagiaire de deux de ses amis. Lui, c’est Carl Bergen. Un homme du parquet près la cour d’appel considéré par ses pairs comme « très bon ». Le jeune Nicolas Segaert-Van den Busche de Bruges, tête de baroudeur, est celui qui a profité de sa fraude. Il a a été dénoncé par sa patronne Suzy Cooleman, l’avocate délatrice chez qui il faisait son stage. Parce qu’il semblait avoir effectué des recherches très ciblées sur l’un des thèmes de l’examen. Il savait qu’il devrait rédiger un texte sur le cas d’une bande de voleurs arrêtée. Et le conseil supérieur de la justice de brandir avec fierté le beau lièvre qu’il a attrapé. Et d’en rajouter d’emblée : n’excluant pas que ce presque Borgen de série Netflix, membre de jurys successifs, ait pu vendre d’autres sésames d’accès au plus noble métier du monde. Peut-être donc que le juge mal nommé devant lequel votre avocat a plaidé hier tombera à son tour en disgrâce demain ? Voilà les désignateurs de magistrats se muant en artisans du « tous pourris » ! On demande à voir. Hilde Melotte, la présidente néerlandophone, tient en tout cas « sa » belle affaire. Pendant que Me Suzy s’en est retournée mange des gaufres le devoir accompli. L’organe en question suppute aussitôt une armada de resquilleurs dans les prétoires tout en n’en sachant strictement rien. Mieux vaut être diligentissimus plutôt que de perdre la prestance de son latin. Les cris d’orfraie laissent cependant sceptiques dans la fosse des palais. Une banale affaire de tuyautage, certes frauduleuse et peu respectueuse des attentes des naïfs participants au concours, surgit à brûle-pourpoint pour redonner du tonus à un conseil supérieur de la justice donné jusqu’il y a peu moribond. Tout vient opportunément à qui sait attendre en Justice. Au grand dam des 115 candidats victimes qui n’ont pas fautés et qui ont passé des mois à préparer ; tous les examens de droit pénal et droit des obligations ont été annulés. « Il est important que les candidats puissent y voient clair rapidement » justifie-t-on. 22 candidats ont répondu tout de go que c’est l’annulation de l’épreuve qui leur est opaque. Dans la foulée c’est le Procureur Général de Gand, Tarzan Erwin Dautricourt, qui se frappe joyeusement le torse : trois enquêtes disciplinaires ont été ouvertes, dont deux à charge des … parents (aussi magistrats) du stagiaire bénéficiaire. Le père Yves Segaert est procureur général à Bruges et la mère E.W. est juge à Ypres. Ils sont aussitôt tombés malades à leur retour de congé en découvrant le tapage, incapables de se présenter à leurs audiences. Une enquête pé nale avec exigence de résultats immédiats est aussi menée fissa parce que la discipline ne suffit pas. Sans attendre le transfert du dossier devant la Cour d’appel de Bruxelles ou d’Anvers après décision de la Cour de cassation par privilège de juridiction. Et tout de suite 3 mois de suspension sans solde ont été infligés à l’avocat général Bergen indélicat. Il sait sa carrière finie et a déjà vidé son bureau à Gand. On ressort tout sans vergogne : comme le fait que son père, directeur d’école, aurait lui-même été coupable de fraude il y a 20 ans. Il a dû faire choix d’un grand pénaliste de Flandre Occidentale. On n’attend plus que son incarcération à la prison de Bruges avec réveil tous les quarts d’heures pour parer au suicide de l’alcade déchu.